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Archive pour le mot-clef ‘Ecritures’

Dieu a tant aimé le monde

mercredi 27 avril 2022

Les miséricordes dont vous avez été l’objet sont des gages extrêmement sûrs de son amour pour vous. Or, quand Dieu aime une âme et qu’il en est sincèrement aimé, il lui déplaît de trouver en elle la défiance. Si donc vous voulez réjouir son Cœur si aimant, allez à lui, à partir de ce jour, dans toute la mesure que vous pourrez atteindre, avec la plus sincère confiance et la plus libre tendresse.

« J’ai gravé ton nom sur mes mains, disait le Seigneur à Jérusalem ; tes murailles sont toujours devant mes yeux » (cf. Is 49,16). Ainsi vous parle-t-il à vous-même : « Âme chérie, que crains-tu ? pourquoi cette défiance ? Ton nom, je le porte écrit dans mes mains : c’est-à-dire que je ne perds jamais de vue le bien à te faire. Ce sont tes ennemis qui te font trembler ? Sache que le souci de ta défense est tellement présent à ma pensée qu’il m’est impossible de m’en distraire. » (…)

Par-dessus tout avivez votre confiance par la pensée du don que Dieu nous a fait en Jésus-Christ : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3,16). D’où pourrait, s’écrie l’Apôtre, nous venir la crainte que Dieu vous refusât aucun bien, après qu’il a daigné nous faire donation de son Fils même : « Il l’a livré pour nous tous : comment ne nous aurait-il pas donné aussi toutes choses avec lui ? » (Rm 8,32)

« Mes délices sont d’être avec les enfants des hommes » (Pr 8,31). Le paradis de Dieu, pouvons-nous dire, c’est le cœur de l’homme. Dieu vous aime ? Aimez-le. Se délices sont d’être avec vous ? Mettez vos délices à rester avec lui, à passer votre vie entière en sa toute aimable compagnie, qui sera, vous l’espérez bien, le charme de votre éternité.

Saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787)

 

 

« Notre cœur n’était-il pas brûlant tandis qu’il nous ouvrait les Écritures ? » (Lc 24,32)

mercredi 20 avril 2022

Quelle est la raison intime de la fécondité de la parole de Dieu ? C’est que le Christ est toujours vivant ; il est toujours le Dieu qui sauve et vivifie. (…) Or, toute proportion gardée, ce qui est vrai de la personne même de Jésus, l’est aussi de sa parole ; et ce qui était vrai hier l’est encore de nos jours.

Le Christ vit dans l’âme du juste ; sous la direction infaillible de ce Maître intérieur, l’âme (…) pénètre dans la clarté divine ; le Christ lui donne son Esprit, auteur premier des Saints Livres, pour qu’elle y « scrute jusqu’aux profondeurs même de l’infini » (cf. 1 Co 2,10) ; elle contemple les merveilles de Dieu à l’égard des hommes ; elle mesure, par la foi, les proportions divines du mystère de Jésus, et ce spectacle admirable, dont les splendeurs l’éclairent et l’illuminent, la touche, l’attire, la ravit, la soulève, la transporte, la transforme. Elle éprouve à son tour ce que ressentaient les disciples d’Emmaüs quand le Christ Jésus daignait leur interpréter lui-même les livres saints : « nos cœurs n’étaient-ils pas ardents, tandis qu’il nous entretenait et nous dévoilait les Écritures ».

Quoi d’étonnant dès lors que l’âme, charmée et conquise par cette parole toute vive « qui pénètre jusqu’aux moelles » (He 4,12), fasse sienne la prière de ces disciples : « Seigneur, demeurez avec nous ! Ô vous, le Maître incomparable, lumière indéfectible, infaillible vérité, seule vraie vie de nos âmes ! » Prévenant ces pieux désirs, l’Esprit Saint « fait entendre en nous ses gémissements inénarrables » (Rm 8,26), qui constituent la vrai prière, ces désirs véhéments de posséder Dieu, de ne plus vivre que pour la gloire du Père et celle de son Fils Jésus. L’amour, agrandi et ardent au contact de Dieu, envahit toutes les puissances de l’âme, la rend forte et généreuse pour accomplir parfaitement toutes les volontés du Père, pour se livrer pleinement au bon plaisir divin.

Bienheureux Columba Marmion (1858-1923)

 

 

« L’homme crut à la parole que Jésus lui avait dite. »

lundi 28 mars 2022

« La Parole de Dieu est vivante et efficace, plus affilée qu’un glaive à deux tranchants. » (He 4,12) Par ces mots l’apôtre montre à ceux qui cherchent le Christ — Parole, Force et Sagesse de Dieu — tout ce qu’il y a de force, tout ce qu’il y a de sagesse dans la Parole de Dieu. Cette Parole était au commencement auprès du Père, éternelle avec lui (Jn 1,1). Elle a été révélée en son temps aux apôtres, annoncée par eux et reçue humblement dans la foi par le peuple des croyants.

Il y a donc une Parole dans le Père, une Parole dans la bouche des apôtres, et une Parole dans le cœur des croyants. La Parole dans la bouche est l’expression de la Parole qui est dans le Père ; elle est l’expression aussi de la Parole qui est dans le cœur de l’homme. Lorsque l’on comprend la Parole, ou qu’on la croit, ou qu’on l’aime, la Parole dans le cœur de l’homme devient intelligence de la Parole, ou la foi en la Parole, ou l’amour de la Parole. Lorsque ces trois se rassemblent en un seul cœur, tout à la fois on comprend, on croit et on aime le Christ, Parole de Dieu, Parole du Père. (…) Le Christ habite en cette personne par la foi, et par une admirable condescendance, il descend du cœur du Père dans le cœur de l’homme. (…)

Cette Parole de Dieu (…) est vivante : le Père lui a donné d’avoir la vie en elle-même, comme lui a la vie en lui-même (Jn 5,26). C’est pourquoi elle est non seulement vivante, mais elle est Vie, comme il est écrit : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jn 14,6). Et puisqu’elle est Vie, elle est vivante pour être vivifiante, car « tout comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il veut » (Jn 5,21).

Baudouin de Ford (?-v. 1190)

 

 

 

Le signe de Jonas

mercredi 9 mars 2022

Toute l’histoire de Jonas nous le montre comme une préfiguration parfaite du Sauveur. (…) Jonas est descendu à Joppé pour monter sur un bateau à destination de Tarsis (…) ; le Seigneur est descendu du ciel sur la terre, la divinité vers l’humanité, la souveraine puissance est descendue jusqu’à notre misère (…), pour s’embarquer sur le navire de son Église. (…)

C’est Jonas lui-même qui prend l’initiative de se faire précipiter dans la mer : « Prenez-moi, dit-il, jetez-moi à la mer » ; il annonce ainsi la Passion volontaire du Seigneur. Quand le salut d’une multitude dépend de la mort d’un seul, cette mort est entre les mains de cet homme qui peut librement la retarder, ou au contraire la hâter pour devancer le danger. Tout le mystère du Seigneur est préfiguré ici. Pour lui la mort n’est pas une nécessité ; elle relève de son choix libre. Écoutez-le : « J’ai le pouvoir de déposer ma vie, et j’ai le pouvoir de la reprendre : on ne me l’enlève pas » (Jn 10,18). (…)

Voyez l’énorme poisson, image horrible et cruelle de l’enfer. En dévorant le prophète, il sent la force du Créateur (…) et offre avec crainte le séjour de ses entrailles à ce voyageur venu d’en haut. (…) Et après trois jours (…) il le rend à la lumière, pour le donner aux païens. (…) Tel est le signe, l’unique signe, que le Christ a consenti à donner aux scribes et aux Pharisiens (Mt 12,39), afin de leur faire comprendre que la gloire qu’eux mêmes espéraient du Christ allait se tourner aussi vers les païens : les Ninivites sont le symbole des nations qui ont cru en lui. (…) Quel bonheur pour nous, mes frères ! Ce qui a été annoncé et promis symboliquement, c’est face à face, en toute vérité, que nous le vénérons, que nous le voyons, que nous le possédons.

Saint Pierre Chrysologue (v. 406-450)

 

 

 

« Alors ils jeûneront. »

vendredi 4 mars 2022

Livre-toi, mon âme, au repentir ; unis-toi au Christ par la pensée ; crie en gémissant : « Accorde-moi le pardon de mes actions mauvaises, afin que je reçoive de toi, qui seul es bon (Mc 10,18), l’absolution et la vie éternelle ». (…)

Moïse et Élie, ces tours de feu, étaient grands dans leurs œuvres. (…) Ils sont les premiers parmi les prophètes, ils parlaient librement à Dieu, ils se plaisaient à s’approcher de lui pour le prier et s’entretenir avec lui face à face (Ex 34,5; 1R 19,13) — chose étonnante et incroyable. Néanmoins, ils avaient soin de recourir au jeûne, qui les menait à Dieu (Ex 34,28; 1R 19,8). Le jeûne, avec les œuvres, procure donc la vie éternelle.

Par le jeûne, les démons sont repoussés comme par une épée, car ils n’en supportent pas les joies ; ce qu’ils aiment, c’est le jouisseur et l’ivrogne. Mais s’ils regardent le visage du jeûne, ils ne peuvent pas tenir ; ils s’enfuient bien loin, comme nous l’enseigne le Christ notre Dieu en disant : « C’est par le jeûne et la prière qu’on vient à bout de la race des démons » (cf Mc 9,29). Voilà pourquoi on nous enseigne que le jeûne donne aux hommes la vie éternelle. (…)

Le jeûne rend à ceux qui le pratiquent la maison paternelle d’où Adam fut expulsé. (…) C’est Dieu lui-même, l’ami des hommes (Sg 1,6), qui avait d’abord confié au jeûne l’homme qu’il avait créé, comme à une mère aimante, comme à un maître. À un seul arbre il lui a interdit de goûter (Gn 2,17). Et si l’homme avait observé ce jeûne, il aurait habité avec les anges. Mais il l’a rejeté et a trouvé les peines et la mort, l’âpreté des épines et des ronces, et l’angoisse d’une vie douloureuse (Gn 3,17s). Or, si dans le Paradis le jeûne se révèle profitable, combien plus l’est-il ici-bas, pour nous procurer la vie éternelle !

Saint Romanos le Mélode (?-v. 560)

 

 

 

« Tous deux ne feront plus qu’un. »

vendredi 25 février 2022

« Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance », dit Dieu (Gn 1,26). Un simple commandement avait fait surgir les autres êtres de la création : « Que la lumière soit ! » ou « Qu’il y ait un firmament ! » Cette fois, Dieu ne dit pas : « Qu’il y ait des hommes », mais il dit : « Faisons l’homme ». En effet, il estimait convenable que soit façonnée de ses propres mains cette image de lui-même, supérieure à toutes les autres créatures. Cette œuvre lui était particulièrement proche ; il l’aimait d’un grand amour… Adam est à l’image de Dieu parce qu’il porte l’effigie du Fils Unique…

D’une certaine manière, Adam a été créé à la fois simple et double ; Ève se trouvait cachée en lui. Avant même qu’ils n’existent, l’humanité était destinée au mariage, qui les ramènerait, homme et femme, à un seul corps, comme au commencement. Aucune querelle, aucune discorde, ne devait s’élever entre eux. Ils auraient une même pensée, une seule volonté… Le Seigneur a formé Adam de poussière et d’eau ; Ève, il l’a tirée de la chair, des os et du sang d’Adam (Gn 2,21). Le profond sommeil du premier homme anticipait les mystères de la crucifixion. L’ouverture du côté, c’était le coup de lance porté au Fils Unique ; le sommeil, la mort sur la croix ; le sang et l’eau, la fécondité du baptême (Jn 19,34)… Mais l’eau et le sang qui ont coulé du côté du Sauveur sont à l’origine du monde de l’Esprit…

Adam n’a pas souffert du prélèvement fait dans sa chair ; ce qui lui avait été dérobé lui a été rendu, transfiguré par la beauté. Le souffle des vents, le murmure des arbres, le chant des oiseaux appelaient les fiancés : « Levez-vous, vous avez assez dormi ! La fête nuptiale vous attend ! »… Adam vit Ève à ses côtés, celle qui était sa chair et ses os, sa fille, sa sœur, son épouse. Ils se sont levés, enveloppés d’un vêtement de lumière, dans le jour qui leur souriait. Ils étaient au Paradis.

Saint Jacques de Saroug (v. 449-521)

 

 

 

Ne t’arrête pas aux miettes !

jeudi 10 février 2022

Seigneur Dieu, mon Bien-Aimé, si tu te souviens encore de mes péchés pour ne pas accomplir ce que je te demande, mon Dieu, fais en eux ta volonté, c’est ce que je désire le plus ; exerce ta bonté et ta miséricorde et tu seras connu en eux. Et si ce sont mes œuvres que tu attends pour exaucer ma prière par ce moyen, donne-les moi, toi, et fais-les moi, et aussi les peines que tu veux que j’accepte et que cela se fasse. Si ce ne sont pas mes œuvres que tu attends, qu’attends-tu donc, mon très clément Seigneur ? Pourquoi tardes-tu ? Car enfin, si ce que je te demande au nom de ton Fils, doit être une grâce et une miséricorde, prends mon obole, puisque tu la désires et donne-moi ce bien puisque toi aussi tu le veux.

Qui pourra se libérer de ses pauvres manières et de ses pauvres limites, si toi-même ne l’élèves à toi en pureté d’amour mon Dieu ? Comment s’élèvera jusqu’à toi l’homme engendré et créé dans la bassesse, si toi-même ne l’élèves, Seigneur, de ta main qui l’a fait ? Tu ne m’ôteras, mon Dieu, ce qu’une fois tu m’as donné en ton Fils unique Jésus Christ. En lui, tu m’as donné tout ce que je désire. C’est pourquoi je me réjouirai de ce que tu ne tarderas plus si, moi, j’attends.

Pourquoi tardes-tu ? Pourquoi diffère-tu ? vu que tu peux dès maintenant aimer Dieu dans ton cœur ? (…) Ne te rabaisse pas à des choses moindres. Ne t’arrête pas aux miettes qui tombent de la table de ton Père. Sors au-dehors et glorifie-toi de ce qui fait ta gloire. Cache-toi en elle et sois dans la joie et tu obtiendras ce que ton cœur demande.

Saint Jean de la Croix (1542-1591)

 

 

Pour « renouveler la face de la terre » (Ps 103,30)

dimanche 30 janvier 2022

Le Christ a voulu amener à lui le monde entier et conduire à Dieu le Père tous les habitants de la terre. Il a voulu rétablir toutes choses dans un état meilleur et renouveler, pour ainsi dire, la face de la terre. Voilà pourquoi, bien qu’il soit le Seigneur de l’univers, « il a pris la condition de serviteur » (Ph 2,7). Il a donc annoncé la bonne nouvelle aux pauvres, affirmant qu’il avait été envoyé dans ce but (Lc 4,18).

Les pauvres, ou plutôt les gens que nous pouvons considérer comme pauvres, sont ceux qui souffrent d’être privés de tout bien, ceux qui « n’ont pas d’espérance et sont sans Dieu dans le monde » (Ep 2,12), comme dit l’Écriture. Ce sont, nous semble-t-il, les gens venus du paganisme et qui, enrichis de la foi dans le Christ, ont bénéficié de ce divin trésor : la proclamation qui apporte le salut. Par elle, ils sont devenus participants du Royaume des cieux et compagnons des saints, héritiers des réalités que l’homme ne peut comprendre ni exprimer — « ce que, d’après l’apôtre Paul, l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1Co 2,9). (…)

Et les descendants d’Israël eux aussi avaient le cœur brisé, ils étaient pauvres et comme prisonniers, et remplis de ténèbres. (…) Le Christ est venu annoncer les bienfaits de son avènement précisément aux descendants d’Israël avant les autres, et proclamer en même temps l’année de grâce du Seigneur (Lc 4,19) et le jour de la récompense.

Saint Cyrille d’Alexandrie (380-444)

 

 

« Une lumière s’est levée. » (Mt 4,16)

lundi 3 janvier 2022

Parce que la nature humaine, pétrifiée par le culte des idoles et figée par la glace du paganisme, avait perdu toute agilité vers le bien, à cause de cela le soleil de justice se lève sur ce rigoureux hiver et amène le printemps. En même temps que les rayons montent à l’Orient, le vent du sud fait fondre cette glace, en réchauffant toute la masse, afin que l’homme pétrifié par le froid soit pénétré de chaleur par l’Esprit et fonde sous les rayons du Verbe, et qu’il devienne à nouveau une source jaillissante pour la vie éternelle. « Il soufflera son vent et les eaux couleront » (Ps 147,7 LXX). C’est ce que le Baptiste proclamait ouvertement aux Juifs, lorsqu’il leur disait que les pierres se lèveraient pour devenir des enfants du Patriarche (cf. Mt 3,9), imitant sa vertu.

Voilà ce que l’Église apprend du Verbe, quand elle reçoit l’éclat de la vérité par les fenêtres des prophètes et le treillis de la Loi, tant que le mur de la doctrine et ses figures, je veux dire la Loi, demeure (cf. Ct 2,9) ; il montre l’ombre des choses à venir, mais non pas l’image même des réalités. Mais derrière la Loi se tient la vérité qui suit la figure. Elle fait d’abord briller le Verbe pour l’Église par des prophètes, puis la révélation de l’Évangile dissipe tout le spectacle d’ombre des figures. Par elle « le mur de séparation est détruit » (Ep 2,14), et l’air dans la maison est envahi par la lumière céleste : point n’est besoin désormais de recevoir la lumière par des fenêtres, puisque la vrai lumière elle-même éclaire tout ce qui est à l’intérieur des rayons de l’Évangile.

C’est pourquoi le Verbe qui redresse ceux qui sont brisés crie à l’Église à travers les fenêtres : Relève-toi (de ta chute, bien-sûr), toi qui avais glissé dans la boue du péché, toi qui avais été enchaînée par le serpent, qui étais tombée à terre et que la désobéissance avait entraînée dans la chute. Relève-toi !

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395)

 

 

Fête de saint Jean, apôtre et évangéliste

lundi 27 décembre 2021

En proportion de la grâce qui faisait que Jésus l’aimait et qui l’a fait reposer sur la poitrine de Jésus à la Cène (Jn 13,23), Jean a reçu avec abondance [les dons de l’Esprit] l’intelligence et la sagesse (Is 11,2) — l’intelligence pour comprendre les Écritures ; la sagesse pour rédiger ses propres livres avec un art admirable. À vrai dire, il n’a pas reçu ce don dès le moment où il a reposé sur la poitrine du Seigneur, même si par la suite il a pu puiser dans ce cœur « où sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2,3). Lorsqu’il dit qu’en entrant dans le tombeau « il vit et il crut », il reconnaît « qu’ils ne connaissaient pas encore les Écritures, et qu’il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20,9). Comme les autres apôtres, Jean a reçu sa pleine mesure lorsque l’Esprit Saint est venu [à la Pentecôte], lorsque la grâce a été donnée à chacun « selon la mesure du don du Christ » (Ep 4,7). (…)

Le Seigneur Jésus a aimé ce disciple plus que les autres (…), et il lui a ouvert les secrets du ciel (…) pour faire de lui l’écrivain du mystère profond dont l’homme ne peut rien dire par lui-même : le mystère du Verbe, la Parole de Dieu, du Verbe qui s’est fait chair. C’est le fruit de cet amour. Mais, même s’il l’aimait, ce n’est pas à lui que Jésus a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18). (…) Tout en aimant tous ses disciples et surtout Pierre d’un amour de l’esprit et de l’âme, notre Seigneur a aimé Jean d’un amour du cœur. (…) Dans l’ordre de l’apostolat, Simon Pierre a reçu la première place et « les clés du Royaume des cieux » (Mt 16,19) ; Jean, lui, a obtenu un autre héritage : l’esprit d’intelligence, « un trésor de joie et d’allégresse » (Si 15,6).

Rupert de Deutz (v. 1075-1130)