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Archive pour le mot-clef ‘charité’

L’amour des ennemis

jeudi 9 septembre 2021

« Vous avez appris qu’il a été dit : Vous aimerez votre ami et vous haïrez votre ennemi. Pour moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent » (Mt 5,43-44). Sans doute, au Carmel on ne rencontre pas d’ennemis, mais enfin il y a des sympathies ; on se sent attirée vers telle sœur au lieu que telle autre vous ferait faire un long détour pour éviter de la rencontrer. Ainsi sans même le savoir, elle devient un sujet de persécution. Eh bien, Jésus me dit que cette sœur, il faut l’aimer, qu’il faut prier pour elle, quand même sa conduite me porterait à croire qu’elle ne m’aime pas : « Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Car les pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment ».

Et ce n’est pas assez d’aimer, il faut le prouver. On est naturellement heureux de faire un présent à un ami, on aime surtout à faire des surprises, mais cela, ce n’est point de la charité car les pécheurs le font aussi. Voici ce que Jésus m’enseigne encore : « Donnez à quiconque vous demande ; et si l’on prend ce qui vous appartient, ne le redemandez pas ». Donner à toutes celles qui demandent, c’est moins doux que d’offrir soi-même par le mouvement de son cœur. (…) Si c’est difficile de donner à quiconque demande, ce l’est encore bien plus de laisser prendre ce qui appartient sans le redemander. Ô ma Mère, je dis que c’est difficile, je devrais plutôt dire que cela semble difficile, car le joug du Seigneur est suave et léger (Mt 11,30). Lorsqu’on l’accepte, on sent aussitôt sa douceur et l’on s’écrie avec le psalmiste : « J’ai couru dans la voie de vos commandements depuis que vous avez dilaté mon cœur » (Ps 118,32). Il n’y a que la charité qui puisse dilater mon cœur, ô Jésus. Depuis que cette douce flamme le consume, je cours avec joie dans la voie de votre commandement nouveau (Jn 13,34).

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus (1873-1897)

 

 

 

« Le grand, le premier commandement »

vendredi 20 août 2021

Pour pouvoir beaucoup aimer Dieu dans le ciel, il faut d’abord l’aimer beaucoup sur la terre. Le degré de notre amour pour Dieu à la fin de notre vie sera la mesure de notre amour de Dieu pendant l’éternité. Voulons-nous acquérir la certitude de ne plus nous séparer de ce souverain Bien dans la vie présente ? Étreignons-le de plus en plus par les liens de notre amour, en lui disant avec l’Épouse du Cantique des Cantiques : « J’ai trouvé celui que mon cœur aime : je l’ai saisi et je ne le lâcherai pas » (3,4). Comment l’Épouse sacrée a-t-elle saisi son Bien-Aimé ? « Avec les bras de la charité », répond Guillaume (…) ; « c’est avec les bras de la charité que l’on saisit Dieu », reprend saint Ambroise. Heureux donc qui pourra s’écrier avec saint Paulin : « Que les riches possèdent leurs richesses, que les rois possèdent leurs royaumes : notre gloire, notre richesse et notre royaume à nous, c’est le Christ ! » Et avec saint Ignace : « Donne-moi seulement ton amour et ta grâce, je suis assez riche ». Fais que je t’aime et que je sois aimé de toi ; je ne désire pas et n’ai pas à désirer autre chose.

Saint Alphonse-Marie de Liguori (1696-1787)

 

 

« Tu auras un trésor dans le ciel. »

lundi 16 août 2021

Après la mort de ses parents, alors qu’Antoine avait entre dix-huit et vingt ans (…), un jour, il entre dans l’église au moment de la lecture de l’Évangile, et il entend le Seigneur qui disait à un riche : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres ; puis viens, suis-moi, et tu auras un trésor dans les cieux ». Antoine a eu l’impression que cette lecture avait été faite pour lui. Il est sorti aussitôt et a donné aux gens du village ses propriétés familiales. Après avoir vendu tous ses biens mobiliers, il a distribué aux pauvres tout l’argent qu’il en avait retiré, en ne mettant de côté qu’une petite part pour sa sœur.

Une autre fois qu’il était entré à l’église, il a entendu le Seigneur dire dans l’Évangile : « Ne vous faites pas de souci pour demain » (Mt 6,34). Ne supportant plus d’avoir gardé quelque chose, il a distribué cela aussi aux plus pauvres. Il a confié sa sœur à des vierges connues et fidèles, qui vivaient ensemble dans une maison, pour y être éduquée. Et il s’est désormais consacré, près de sa maison, au labeur de la vie ascétique. Vigilant sur soi-même, il persévérait dans une vie austère. (…)

Il travaillait de ses mains, car il avait entendu cette parole : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3,10). Il achetait son pain avec une part de ce qu’il gagnait et il distribuait le reste aux indigents. Il priait sans cesse, parce qu’il avait appris qu’il faut « prier sans relâche » (Lc 21,36) en privé. Il était si attentif à la lecture qu’il ne laissait rien perdre des Écritures mais en retenait tout ; dans la suite, sa mémoire pouvait remplacer les livres. Tous les habitants du village et les gens de bien qui le fréquentaient habituellement, en le voyant vivre ainsi, l’appelaient ami de Dieu. Les uns l’aimaient comme leur fils, et les autres comme leur frère.

Saint Athanase (295-373)

 

 

Fête de saint Laurent, diacre et martyr

mardi 10 août 2021

Saint Laurent était diacre à Rome. Les persécuteurs de l’Église lui demandaient de livrer les trésors de l’Église ; c’est pour obtenir un vrai trésor dans le ciel qu’il a souffert des tourments dont on ne peut entendre le récit sans horreur : il a été étendu sur un gril sur un feu. (…) Cependant, il a triomphé de toutes les douleurs physiques par la force extraordinaire qu’il puisait dans sa charité et dans le secours de Celui qui le rendait inébranlable : « C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus Christ, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre » (Ep 2,10).

Voici ce qui a provoqué la colère des persécuteurs (…) Laurent a dit : « Faites venir avec moi des chariots sur lesquels je puisse vous apporter les trésors de l’Église. » On lui a donné des chariots ; il les a chargés de pauvres et les a fait revenir, en disant : « Voici les trésors de l’Église. »

Rien n’est plus vrai, mes frères ; dans les besoins des pauvres se trouvent les grandes richesses des chrétiens, si nous comprenons bien comment faire fructifier ce que nous possédons. Les pauvres sont toujours devant nous ; si nous leur confions nos trésors, nous ne les perdrons pas.

Saint Augustin (354-430)

 

 

« Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim. »

dimanche 1 août 2021

Dans les Écritures, il est question de la tendresse de Dieu pour le monde, et nous lisons que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils » Jésus (Jn 3,16) pour qu’il soit comme nous, et qu’il nous apporte la bonne nouvelle que Dieu est amour, que Dieu vous aime et qu’il m’aime. Dieu veut que nous nous aimions les uns les autres comme il aime chacun d’entre nous (cf Jn 13,34).

Nous savons tous, en regardant la croix, à quel point Jésus nous a aimés. Lorsque nous regardons l’eucharistie nous savons combien il nous aime maintenant. C’est pourquoi il s’est fait lui-même « pain de vie » afin de satisfaire notre faim pour son amour, et puis, comme si ce n’était pas suffisant pour lui, il s’est fait lui-même l’affamé, l’indigent, le sans-abri, afin que vous et moi puissions satisfaire sa faim pour notre amour humain. Car c’est pour cela que nous avons été créés, pour aimer et être aimés.

Sainte Teresa de Calcutta (1910-1997)

 

 

« Pour la première fois, il les envoie deux par deux. »

dimanche 11 juillet 2021

Notre Seigneur et Sauveur, frères très chers, nous instruit tantôt par ses paroles, tantôt par ses actions. Ses actions elles-mêmes sont des commandements, parce que, lorsqu’il fait quelque chose sans rien dire, il nous montre comment nous devons agir. Voici donc qu’il envoie ses disciples en prédication deux par deux, parce que les commandements de la charité sont deux : l’amour de Dieu et du prochain. Le Seigneur envoie prêcher ses disciples deux par deux pour nous suggérer, sans le dire, que celui qui n’a pas la charité envers autrui ne doit absolument pas entreprendre le ministère de la prédication.

Il est fort bien dit qu’ « il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et les localités où lui-même devait aller » (Lc 10,1). En effet, le Seigneur vient après ses prédicateurs, parce que la prédication est un préalable ; le Seigneur vient habiter notre âme lorsque les paroles d’exhortation sont venues en avant-coureur et font accueillir la vérité dans l’âme. C’est pourquoi Isaïe dit aux prédicateurs : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez les sentiers de notre Dieu » (40,3). Et le psalmiste leur dit aussi : « Frayez la route à celui qui monte au couchant » (Ps 67,5 Vulg). Le Seigneur monte au couchant parce que, s’étant couché par sa Passion, il s’est manifesté avec une plus grande gloire dans sa résurrection. Il est monté au couchant, parce que, en ressuscitant, il a foulé aux pieds la mort qu’il avait subie. Nous frayons donc la route à celui qui monte au couchant lorsque nous prêchons sa gloire à vos âmes, afin que, venant ensuite, il les éclaire par la présence de son amour.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

« Ceux-là ont touché leur récompense. »

mercredi 16 juin 2021

« Évitez de pratiquer votre justice devant les hommes. » Pourquoi ? « Pour ne pas être remarqué par eux. » Et s’ils vous ont remarqué, qu’en sera-t-il pour vous ? « Vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est aux cieux. » Frères, ici le Seigneur ne porte pas de jugement, mais il expose. Il met en lumière la ruse de nos pensées ; il met à nu les dispositions secrètes des âmes. À ceux qui méditent injustement sur la justice, il indique la mesure d’une juste rétribution. La justice qui se place devant les yeux des hommes ne peut pas attendre du Père son salaire divin. Elle a voulu être vue, et elle a été vue ; elle a voulu plaire aux hommes, et elle a plu. Elle a le salaire qu’elle a voulu ; la récompense qu’elle n’a pas voulu avoir, elle ne l’aura pas. (…)

« Quand tu fais l’aumône, ne le claironne pas devant toi, comme font les hypocrites. » « Claironner », c’est le terme juste, parce qu’une aumône de cette sorte est un acte guerrier plutôt que pacifique. Elle passe tout entière dans son cri, elle n’a rien à voir avec la miséricorde. Elle est du pays de la désunion, elle n’a pas été nourrie par la bonté. C’est un trafic pour la parade, non un commerce chaste (…) « Toi donc, quand tu fais l’aumône, ne le claironne pas devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues ou dans les rues, afin d’être glorifié par les hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont touché leur récompense. » Vous avez entendu : l’aumône faite dans une assemblée, sur les places publiques, dans les carrefours, n’est pas une dépense faite pour le soulagement des pauvres, mais elle est placée devant le regard des hommes pour s’attirer leur estime. (…) Fuyons l’hypocrisie, mes frères, fuyons-la. (…) Elle ne soulage pas le pauvre ; la plainte de l’indigent lui est un prétexte pour rechercher plus activement une gloire spectaculaire. Elle gonfle sa louange de la souffrance du pauvre.

Saint Pierre Chrysologue (v. 406-450)

 

 

Cent pour un !

mardi 25 mai 2021

[Sainte Catherine a entendu Dieu lui dire :] À Pierre qui lui demandait : « Maître, nous avons tout quitté pour l’amour de vous, et nous vous avons suivi ! Que nous donnerez-vous en retour ? », ma Vérité fit cette réponse : « Je vous donnerai cent pour un et vous posséderez la vie éternelle » (cf. Mc 10, 28-30). – Comme s’il eût dit : Pierre, tu as bien fait de tout quitter ; c’était l’unique moyen de me suivre. En retour, moi, je te donnerai, en cette vie, cent pour un !

Quel est donc, très chère fille, ce centuple, que doit suivre encore la vie éternelle ? Qu’entendait et que voulait dire ma Vérité ? Parlait-elle des biens temporels ? Pas spécialement, bien que je les multiplie parfois au bénéfice de ceux qui se montrent généreux dans leurs aumônes. Et qu’est-ce donc ? ‒ Entends-le bien, celui qui donne sa volonté, me donne « une » chose : sa volonté. Et moi, pour cette unique chose, je lui donne « cent ».

Pourquoi ce nombre de « cent » ? Parce que cent est le nombre parfait, auquel on ne peut rien ajouter, à moins de recommencer à compter par un premier. La charité, elle aussi, est la plus parfaite de toutes les vertus ; l’on ne saurait s’élever à une vertu plus parfaite, et l’on ne peut ajouter à sa perfection qu’en revenant à la connaissance de soi-même pour recommencer une nouvelle centaine de mérites, mais c’est toujours au nombre « cent » que l’on arrive et que l’on s’arrête. Voilà le centuple que j’ai donné à ceux qui m’ont apporté l’un de leur volonté propre, soit par l’obéissance commune soit par l’obéissance particulière.

C’est avec ce centuple, que vous obtenez la vie éternelle (…). Ce centuple c’est le feu de la divine charité. Et parce qu’ils ont reçu de moi ce centuple, ils sont dans une merveilleuse allégresse qui prend tout leur cœur.

Sainte Catherine de Sienne (1347-1380)

 

 

« Je trouve ma gloire en eux. »

mardi 18 mai 2021

« Le Père et moi, disait le Fils, nous viendrons chez lui », c’est-à-dire chez l’homme qui est saint, « nous irons demeurer auprès de lui ». Et je pense que le prophète n’a pas parlé d’un autre ciel, lorsqu’il a dit : « Tu habites chez les saints, toi la gloire d’Israël ! » Et l’apôtre Paul dit clairement : « Par la foi, le Christ habite en nos cœurs ». Il n’est donc pas surprenant que le Christ se plaise à habiter ce ciel-là. Alors que pour créer le ciel visible il lui a suffi de parler, il a lutté pour acquérir celui-là ; il est mort pour le racheter. C’est pourquoi, après tous ses travaux, ayant réalisé son désir, il dit : « Voici le lieu de mon repos à tout jamais, c’est là le séjour que j’avais choisi ». Et bienheureuse celle à qui il est dit : « Viens, mon épouse choisie », je mettrai mon trône en toi.

« Pourquoi, maintenant, te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi ? » Penses-tu trouver en toi aussi une place pour le Seigneur ? Et quelle place en nous est digne d’une telle gloire, et suffit-elle à recevoir sa Majesté ? Puissé-je seulement l’adorer aux lieux où se sont arrêtés ses pas ? Qui m’accordera de pouvoir au moins suivre les traces d’une âme sainte « qu’il s’est choisie pour son domaine » ? Cependant puisse-t-il aussi daigner répandre en mon âme l’onction de sa miséricorde, si bien que je sois capable de dire, moi aussi : « Je cours dans la voie de tes volontés, car tu mets mon cœur au large ». Je pourrai peut-être, moi aussi, montrer en moi, sinon « une grande salle toute prête, où il puisse manger avec ses disciples », du moins « un endroit où il puisse reposer sa tête ». (…)

Il est nécessaire que l’âme grandisse et s’élargisse pour être capable de Dieu. Or, sa largeur, c’est son amour, comme dit l’apôtre Paul : « Élargissez-vous dans la charité ». Car, bien que l’âme n’ait aucune dimension spatiale puisqu’elle est esprit, la grâce lui confère ce que sa nature exclut. (…) La grandeur de chaque âme est donc à la mesure de sa charité. Si bien que celle qui a beaucoup de charité est grande, celle qui en a peu est petite, celle qui n’a rien est néant. Saint Paul affirme en effet : « Si je n’ai pas l’amour, je suis rien .»

Saint Bernard (1091-1153)

 

(Références bibliques : Jn 14,23; Ps 21,4; Ep 3,17; Jn 1,3; Ps 131,14; Ct 2,10; Ps 41,6; Ps 32,12; Jn 14,23; Ps 118,32; Mc 14,15; Mt 8,20; 2Co 6,13; 1Co 13,3)

La charité du chrétien

dimanche 9 mai 2021

Tu es chrétien par et pour la charité ;
par rien d’autre et pour rien d’autre. (…)

La charité est plus que le nécessaire pour exister,
plus que le nécessaire pour vivre,
plus que le nécessaire pour agir ;
La charité est notre vie devenant vie éternelle.
Quand nous laissons la charité, nous laissons notre vie.
Un acte sans charité est une mort subite,
un acte de la charité est une résurrection immédiate.

Tu ne peux fabriquer la charité : tu la reçois.
La charité imparfaite est un don incomplètement reçu ;
la charité parfaite est un don complètement reçu.
La charité est gratuite tout autant qu’elle est nécessaire.
Tu ne la gagnes pas comme un concours.
Tu la gagnes en la désirant, en la demandant, en la recevant
et en la transmettant.

On n’apprend pas la charité, on fait peu à peu sa connaissance,
en faisant la connaissance du Christ.
C’est la foi du Christ qui nous rend capables de charité ;
c’est la vie du Christ qui nous révèle la charité ;
c’est la vie du Christ qui nous montre comment désirer,
demander, recevoir la charité.
C’est l’esprit du Christ qui nous rend vivants de charité,
agissants par la charité,
féconds de charité.

Tout peut servir à la charité,
Sans elle tout est stérile et d’abord nous-mêmes.

Vénérable Madeleine Delbrêl (1904-1964)