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Archive pour le mot-clef ‘St Grégoire le Grand’

Unie est la route de la vérité, et laborieux le chemin du mensonge

mercredi 9 avril 2025

« Les tribulations le terrifieront et l’angoisse l’investira comme un roi prêt à combattre. » (Jb 15, 24 Vg) Il n’y a pas un seul acte où tribulations et angoisse n’investissent l’homme injuste, car anxiété et suspicion bouleversent son cœur.

L’un aspire en secret à piller le bien d’autrui et sa pensée s’épuise à éviter de se laisser prendre. L’autre abandonne la vérité et se résout à mentir afin de tromper l’esprit de qui l’écoute. Mais quelle épreuve de veiller dans l’inquiétude à ce que sa tromperie ne puisse être surprise ! Il se représente, en effet, ce que peuvent lui répondre ceux qui savent la vérité et il explore à force de réflexions les moyens de surmonter par les arguments de la fausseté les preuves de la vérité. Et le voilà qui va couvert et resserré, le voilà qui, pour répondre sur les points où il pourra être surpris, se met en quête de faux-semblants de vérité ; et pourtant, s’il voulait dire le vrai, comme il pourrait être sans tourment !

Unie en effet est la route de la vérité, et laborieux le chemin du mensonge. De là aussi cette parole du Prophète : « Car ils ont appris à leur langue à dire le mensonge ; ils ont pris peine à agir dans l’iniquité. » (Jr 9, 5 Vg) C’est donc sagesse de dire : « Les tribulations le terrifieront et l’angoisse l’investira », parce que c’est défaillir au fond de soi-même dans l’épuisement de la crainte que d’abandonner la voie de la tranquillité qui n’est autre que celle de la vérité.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez de même ! »

dimanche 23 mars 2025

« C’est chez les anciens qu’est la sagesse, c’est dans un grand âge que se trouve la prudence. » (Jb 12,12 Vg) Les paroles qui tiennent fermes à la racine de la sagesse sont celles qui prennent toute leur force dans un art de vivre par l’épreuve même de l’action. Mais comme souvent est accordée une longue vie sans que soit octroyée la grâce de la sagesse, c’est raison de nommer maintenant celui dont le jugement dispense ces dons et le texte ajoute :

« C’est en lui qu’est la sagesse et la force, c’est lui qui a le conseil et l’intelligence. » (Jb 12,13 Vg) Nous appliquons ces paroles non sans pertinence au Fils unique du Père souverain en prenant conscience qu’il est, lui, la sagesse et la force de Dieu. Paul aussi, en effet, en porte témoignage à notre intelligence quand il dit que « le Christ est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu » (1 Co 1,24), lui qui est toujours en Dieu puisque « au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1).

Or Dieu a le conseil et l’intelligence, le conseil, puisqu’il ordonne ses actes, l’intelligence, puisqu’il connaît les nôtres. Le mot de conseil peut aussi désigner la lenteur de son jugement secret, c’est-à dire qu’il peut tarder à frapper le coupable, non faute d’apercevoir ses manquements à la justice, mais afin qu’on voie que la condamnation, différée dans la perspective d’une pénitence, procède tardivement d’un conseil.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. »

lundi 10 mars 2025

« Car aucun hypocrite ne viendra en sa présence. » (Jb 13,16 Vg) Puisqu’il est constant qu’à sa venue le juge placera les agneaux à sa droite et les boucs à sa gauche, pour quelle raison est-il dit maintenant que ne viendra pas en sa présence un hypocrite qui, s’il doit être, bien sûr, parmi les boucs, sera présent à la gauche de son juge ?

Mais, il faut le savoir, nous venons en présence du Seigneur de deux manières. En ce monde d’abord, lorsque, pesant scrupuleusement nos péchés, nous nous mettons en sa présence et que dans les larmes nous devenons nos propres juges. Oui, toutes les fois que nous reprenons conscience de la puissance de notre Créateur, nous nous tenons en présence du maître. (…)

Nous viendrons aussi en présence du Seigneur d’une autre manière, le jour du jugement dernier, quand nous comparaîtrons devant son tribunal. (…) Lorsque le juste contemple la rigueur du juge qui doit venir, il se remet en mémoire ses péchés, il se lamente sur le mal qu’il a commis et avec rigueur il devient son propre juge, afin de ne pas être jugé, mais inversement, plus l’hypocrite plaît extérieurement aux hommes, plus il dédaigne de se regarder intérieurement lui-même ; il va s’abandonnant tout entier aux paroles de son entourage et il s’imagine être un saint parce qu’il se croit tenu pour tel par les hommes. Et voilà qu’en dispersant son esprit parmi les paroles qui le louent, jamais il ne considère en quoi il offense le juge intérieur ; de sa rigueur il ne redoute rien parce qu’il croit lui avoir plu tout autant qu’il plaît aux hommes. (…)

C’est donc sagesse de dire : « L’hypocrite ne viendra pas en sa présence », car il ne se met pas devant les yeux la rigueur de Dieu, lorsqu’il brûle de plaire aux yeux des hommes. Mais, s’il scrutait son âme, s’il se mettait lui-même en présence de Dieu, il ne serait plus un hypocrite.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? »

lundi 3 mars 2025

Pour Dieu, appeler, c’est tourner vers nous le regard de son amour et de son élection. Et, pour nous, répondre c’est obéir à son amour par la sagesse de nos œuvres. De là ces justes paroles : « Du moins que je te parle, et toi, réponds-moi. » (Jb 13,22 Vg) Nous lui parlons, en effet, quand nous désirons, quand nous demandons son visage. Et Dieu répond à notre voix quand il apparaît à notre amour.

Mais qu’un homme halète du désir de l’éternité, alors, par une pénétrante autocritique il passe au crible chacun de ses actes, il cherche s’il n’est rien en lui qui puisse offenser le regard de son Créateur ; et Job est en droit d’ajouter : « Toutes mes iniquités et mes péchés, tous mes crimes et mes manquements, montre-les moi. » (Jb 13,23 Vg) Tel est en cette vie le lourd labeur du juste, se découvrir lui-même et en se découvrant pleurer, se corriger pour devenir meilleur. (…)

Tout homme donc qui, dans l’anxiété du désir de l’éternité, désire se présenter par-devant le juge qui vient, s’examine maintenant avec d’autant plus de pénétration qu’il se demande, oui, comment comparaître devant ce terrible juge en homme libre : il le supplie de lui montrer en quoi il lui déplaît, pour s’en punir en lui-même par la pénitence et, en devenant en ce monde son propre juge, ne plus être justiciable du Juge.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

Simple et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal.

dimanche 2 mars 2025

Simple et droit, qui craint Dieu et s’écarte du mal. Tout homme qui désire la patrie éternelle se comporte évidemment en homme simple et droit : simple dans sa conduite, droit par sa foi. Simple dans le bien qu’il accomplit ici-bas, droit devant les hautes réalités qu’il connaît dans son cœur. Car il y a des gens qui ne sont pas simples dans le bien qu’ils font, parce qu’ils n’y cherchent pas la récompense intérieure mais la faveur extérieure. Aussi un sage a-t-il bien fait de dire : Malheureux le pécheur qui marche par deux sentiers. Le pécheur marche par deux sentiers lorsque ce qu’il manifeste par sa conduite appartient à Dieu, alors que ce qu’il recherche par sa pensée appartient au monde.

On a raison de dire : Qui craint Dieu et s’écarte du mal. Car la sainte Église des élus commence par la crainte son voyage de simplicité et de rectitude, mais elle l’achève par l’amour. On s’écarte radicalement du mal quand, par amour pour Dieu, on a décidé de ne plus jamais pécher. Celui qui fait encore le bien par crainte ne s’est pas entièrement écarté du mal. Car il pèche, du seul fait qu’il voudrait bien pécher, s’il le pouvait impunément.

COMMENTAIRE DE SAINT GRÉGOIRE LE GRAND SUR LE LIVRE DE JOB

 

 

 

« Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur. »

mercredi 12 février 2025

« Il conçoit la douleur et il enfante l’iniquité et ses entrailles préparent ses ruses. » (Jb 15,35 Vg) Ses ruses douloureuses, il les conçoit quand il médite ses perversités. L’iniquité, il enfante quand il se met à accomplir ce qu’il a médité. C’est dans l’envie qu’il conçoit ses ruses douloureuses, c’est dans la calomnie qu’il enfante l’iniquité. Iniquité bien lourde, si un perverti entreprend de montrer que les pervertis, ce sont les autres, afin d’apparaître lui-même comme un saint, en démontrant que les autres ne le sont pas.

Il faut savoir aussi que dans l’Écriture sainte le mot de ventre ou d’entrailles désigne d’ordinaire l’esprit ou l’âme. De là cette parole de Salomon : « Le souffle de l’homme, c’est la lampe du Seigneur qui sonde tous les secrets de son ventre. » (Pr 20,27 Vg) C’est, en effet, la lumière de la grâce, qui vient d’en-haut, qui apporte à l’homme le souffle pour donner la vie. Et s’il est dit que cette lumière sonde tous les secrets de son ventre, c’est parce qu’elle pénètre les régions cachées de l’esprit afin que ce que l’âme ne pouvait voir de sa vie intérieure soit ramené devant ses yeux pour être pleuré. De là cette parole de Jérémie : « Mon ventre, mon ventre, quelle douleur ! » (Jr 4,19 Vg) Et pour faire voir ce qu’il entendait par son ventre, il a ajouté : « Quel désordre dans les pensées de mon cœur ! »

Et ainsi le mot d’entrailles peut désigner l’esprit, parce que, si l’enfant est conçu dans les entrailles, la pensée est engendrée dans l’esprit, et si les aliments sont contenus dans le ventre, les pensées le sont dans l’esprit.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« À vous il est donné de connaître les mystères ! »

mercredi 29 janvier 2025

« Oui, tous les évènements… » (Jb 13,1 Vg) Les évènements qui allaient suivre, Job les voyait présents en celui pour qui n’existent ni avenir qui arrive, ni passé qui s’éloigne et qui a tous les évènements simultanément présents devant ses yeux. Et comme Job a vu ceux qui allaient survenir, soit en actes, soit en paroles, il peut ajouter : « Mon œil les a vus et mon oreille les a entendus. » Mais les paroles ne font aucun bien si elles ne se font pas comprendre. Aussi dit-il encore justement : « Et il n’y en a pas un que je n’ai pas compris. »

Quand en effet un évènement nous est connu soit par la vue, soit par l’ouïe, si n’en est pas accordée l’intelligence, il n’y a pas prophétie. Pharaon a vu en songe ce qui allait arriver à l’Égypte (cf. Gn 41), mais comme il n’a pas pu avoir l’intelligence de ce qu’il avait vu, il n’a pas été prophète. Le roi Balthasar a vu les doigts d’une main qui écrivait sur le mur (cf. Dn 5), mais il n’a pas été prophète parce qu’il n’a pas reçu l’intelligence de ce qu’il avait vu. C’est donc pour témoigner qu’il portait en lui l’esprit de prophétie que le bienheureux Job affirme avoir tout vu, tout entendu, mais aussi tout compris. De cette intelligence il ne tire pourtant pas orgueil.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Le Royaume des cieux subit la violence ; des violents s’en emparent. »

jeudi 12 décembre 2024

Jean Baptiste nous recommande d’accomplir de grandes choses : « Produisez des fruits dignes du repentir » et encore : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même » (Lc 3,8.11). N’est-ce pas donner à comprendre clairement ce qu’affirme celui qui est la Vérité : « Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux se prend de force ; ce sont les violents qui s’en emparent » ? Ces paroles nous viennent d’en haut ; nous devons les méditer avec une grande attention. Il faut rechercher comment le Royaume des cieux peut se prendre de force. Qui peut faire violence au ciel ? Et s’il est vrai que le Royaume des cieux se prend de force, pourquoi cela n’est-il vrai que depuis le temps de Jean Baptiste et non auparavant ?

L’ancienne Loi…frappait les pécheurs par des peines rigoureuses, mais sans les ramener à la vie par la pénitence. Mais Jean Baptiste, annonçant la grâce du Rédempteur, prêche la pénitence afin que le pécheur, mort par suite de son péché, vive par l’effet de sa conversion : c’est donc vraiment depuis lors que le Royaume des cieux s’est ouvert à ceux qui le prennent de force. Qu’est-ce que le Royaume des cieux, sinon le séjour des justes ? … Ce sont les humbles, les chastes, les doux, les miséricordieux qui parviennent aux joies d’en haut. Mais quand les pécheurs…reviennent de leurs fautes par la pénitence, eux aussi obtiennent la vie éternelle et entrent dans ce pays qui leur était étranger. Ainsi…, en enjoignant la pénitence aux pécheurs, Jean leur a appris à faire violence au Royaume des cieux.

Frères bien-aimés, réfléchissons donc nous aussi à tout le mal que nous avons fait et pleurons. Emparons-nous de l’héritage des justes par la pénitence. Le Tout-Puissant veut accepter cette violence de notre part ; il veut que nous ravissions par nos larmes le Royaume qui ne nous était pas dû selon nos mérites.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« On verra le Fils de l’homme venir. »

jeudi 28 novembre 2024

« Tu m’appelleras et je te répondrai. » (Jb 14,15 Vg) On dit que nous répondons à quelqu’un quand à notre tour nous accordons à ses actes notre propre comportement. Dans cette transformation, l’appel vient donc du Seigneur et la réponse de l’homme, puisque devant la rayonnante splendeur de l’être incorruptible, incorruptible aussi se montre l’homme, libéré de sa corruption.

Maintenant, en effet, tant que nous sommes esclaves de notre corruption, nous ne répondons pas à l’auteur de notre vie, parce que, corruption et incorruption n’ayant aucune commune mesure, il n’existe aucune ressemblance qui nous permette une réponse. Mais de ce changement définitif l’Écriture dit : « Quand il apparaîtra, nous serons semblables à Lui, parce que nous le verrons tel qu’Il est. » (1 Jn 3,2) Nous répondrons donc véritablement à l’appel de Dieu le jour où, au commandement de l’Incorruption souveraine, nous nous lèverons incorruptibles.

Et comme la créature est impuissante à se donner par elle-même un tel état et que seul un don de Dieu tout-puissant permet pareille mutation qui donne la gloire merveilleuse de l’incorruptibilité, Job est en droit d’ajouter : « Tu tendras ta main droite à l’œuvre de tes mains. » C’est comme s’il disait ouvertement : Si ta créature corruptible peut subsister jusqu’à l’incorruptibilité, c’est parce que la main de ta puissance la redresse et que la grâce de ton attention la maintient afin qu’elle puisse subsister.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Le juste demeurera dans une mémoire éternelle. » (Ps 111,6 LXX)

mardi 26 novembre 2024

« La mémoire de votre vie sera comparée à la cendre. » (Jb 13,12 Vg) Tous ceux que leur pensée terrestre modèle sur le siècle tentent en chacun de leurs actes de laisser à ce monde la mémoire de leur personne. Titre de guerre, ou murs altiers de leurs édifices ou traités diserts sur les sciences du siècle, chacun sans trêve s’évertue et s’édifie un nom qui assure sa mémoire.

Mais comme la vie, elle, est plus prompte à courir vers sa fin, que subsistera-t-il donc de stable en elle, puisqu’elle est, elle aussi, prompte, dans sa mobilité, à s’écouler ? Un souffle, en effet, emporte la cendre, comme dit l’Écriture : « Il n’en est pas ainsi, non, il n’en est pas ainsi des impies, mais ils sont comme la poussière que le vent chasse de la face de la terre. » (Ps 1,4 Vg) On est donc en droit de comparer la mémoire des insensés à la cendre, car ils se placent à l’endroit où un souffle l’emportera. Oui, ils ont beau s’évertuer à parachever la gloire de leur nom, ils n’ont vraiment fait de leur mémoire qu’une cendre, car le vent d’un monde mortel a tôt fait de l’emporter.

En revanche, l’Écriture dit du juste : « Le juste demeurera dans une mémoire éternelle. » (Ps 111,6 Vg) Par cela même, en effet, que ses actes s’impriment dans le regard de Dieu seul, il fixe le nom qui assure sa mémoire dans l’éternité.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)