Prends garde, frère, que le destin du « mauvais riche » ne sois le tien. Si ton histoire a été écrite, c’est bien pour que nous évitions de lui ressembler. Homme, imite donc la terre : comme elle, porte du fruit ; ne te montre pas moins bon qu’elle qui n’a pas d’âme. Ce n’est pas pour en jouir elle-même que la terre nourrit ses fruits, c’est pour ton service. Mais toi, tu as cet avantage que les bénéfices de ta bienveillance reviennent finalement à toi-même ; car c’est aux bienfaiteurs que revient toujours la récompense du bien qu’ils ont fait. (…)
Pourquoi donc te tourmenter à ce point et faire tant d’efforts pour mettre ta richesse à l’abri derrière le mortier et les briques ? (…) Que tu le veuilles ou non, tu devras bien un jour laisser là ton argent ; au contraire, la gloire de tout le bien que tu auras fait, tu l’emporteras avec toi jusque devant le souverain Maître, quand tout un peuple, se pressant pour te défendre auprès du Juge commun, t’appellera des noms qui diront que tu l’as nourri, que tu l’as assisté, que tu as été bon. (…)
Combien tu devrais être reconnaissant, heureux et fier de l’honneur qui t’es fait : ce n’est pas toi qui dois aller importuner les autres à leur porte, ce sont les autres qui se pressent à la tienne. Mais à ce moment tu t’assombris, tu deviens inabordable, tu fuis les rencontres de peur de devoir lâcher un peu de ce que tu gardes si jalousement. Et tu ne connais qu’un seul mot : « Je n’ai rien, je ne vous donnerai rien, car je suis pauvre. » Pauvre, tu l’es en réalité, et pauvre de tout bien : pauvre d’amour, pauvre de bonté, pauvre de confiance en Dieu, pauvre d’espérance éternelle.
Saint Basile (v. 330-379)