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Archive pour le mot-clef ‘Béatitudes’

« Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. »

mercredi 13 septembre 2023

Malheur à ceux qui gardent leur richesse en dépôt !
Malheur à ceux qui veulent recevoir leur gloire des hommes !
Malheur à ceux qui se faufilent parmi les riches
au lieu de désirer la gloire de Dieu, la richesse de Dieu,
de désirer être unis avec lui et rien d’autre,
car vain est le monde et tout ce qui est dans le monde,
tout ne sera que vanités des vanités. (…)
Malheur, mon âme, à ceux qui désirent la gloire des hommes,
car alors ils seront privés de la gloire de Dieu !
Malheur, mon âme, à ceux qui gardent leur richesse entassée,
car là-bas ils soupireront après une goutte d’eau !
Malheur, mon âme, à ceux qui mettent dans l’homme leur espérance,
car l’homme mourra, et avec lui leurs espoirs,
et alors ils se trouveront dénués de tout espoir !
Malheur, mon âme, à ceux qui trouvent ici-bas leur repos,
car là-bas ils trouveront éternellement l’affliction !

Dis-moi, mon âme, pourquoi es-tu triste, que recherches-tu des biens de cette vie !
réponds-moi et je t’enseignerai de chacun l’utilité,
laisse-toi instruire, apprends ce qu’il y a de bon en chacun.
Veux-tu être glorifiée, dis-moi, veux-tu être louée ?
Écoute donc ce qu’est l’honneur et ce qu’est le déshonneur.
L’honneur, c’est d’honorer tous les êtres, mais Dieu plus qu’eux tous,
de gagner pour toute richesse ses commandements
et pour eux de souffrir les injures, pour eux les insultes,
pour eux de supporter les outrages de toute sorte.
Lorsqu’en effet, mon âme, tu t’es efforcée en quelque occasion
d’honorer Dieu, de le glorifier, et pour cela tu as été outragée, méprisée,
c’est alors que tu as obtenu l’honneur et la gloire qui demeurent,
car la gloire de Dieu ne manquera pas de venir sur toi ;
c’est alors que tous les anges te loueront,
car tu auras honoré Dieu, Dieu qu’ils chantent eux-mêmes.

Syméon le Nouveau Théologien (v. 949-1022)

 

 

 

Persévérer avec confiance dans la béatitude

lundi 12 juin 2023

Toutes les vertus ont des fonctions diverses, mais elles ont un but unique : la béatitude. Les vertus procèdent en effet l’une de l’autre lors de la formation de la droiture. Toutes ces vertus sont dans la science de Dieu (connaissance intérieure et intime), elles tendent vers cette science et assistent l’homme dans ses nécessités aussi bien spirituelles que corporelles. Lorsque la crainte du Seigneur inspire l’homme, il commence à honorer son Dieu et progresse dans la sagesse en accomplissant des œuvres bonnes et justes.

La confiance de l’homme envers Dieu touche ce dernier par sa constance car, dans la mesure où il a une constante confiance en Dieu, il élève sans cesse ses pensées vers lui : c’est par leur constance que les esprits des fidèles acquièrent la force. (…) La foi confiante attire à elle toutes les vertus et fait couler dans le vase (cœur) le vin (l’Esprit) qui sert de boisson aux hommes. Voilà pourquoi les croyants exultent de joie, confiants dans l’espérance de la vie éternelle. Ils portent comme étendards les bonnes œuvres qu’ils ont accomplies.

Assoiffés de la justice divine, ils sucent à son sein la sainteté et jamais ne peuvent être rassasiés s’ils ne se délectent sans cesse de la contemplation de Dieu, puisque la sainteté dépasse l’entendement des hommes. Lorsque l’homme accueille la rectitude, cherche à vivre selon sa vérité, il s’oublie lui-même, goûte et boit les vertus qui le rendent fort, comme le vin emplit les veines d’un buveur, mais lui ne risque jamais de devenir esclave du vice de démesure, comme l’homme ivre de vin est hors de lui-même et ne prête plus attention à ce qu’il fait. Car les hommes de foi aiment Dieu et cet amour ignore la lassitude, il est persévérance dans la béatitude.

Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)

 

 

 

« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » (Mt 5,3)

dimanche 29 janvier 2023

Quels sont ceux que Notre-Seigneur appelle les pauvres en esprit (Mt 5,3) ? Ceux qui ne sont propriétaires ni en esprit, ni dans le cœur, ni dans la volonté ; mais qui ne veulent rien tenir que de Dieu. Chaque jour, ils déposent au pieds du Christ, jugement, manière de voir, volonté, tout. Ils lui disent : « Je ne veux rien avoir de moi ; je ne veux posséder que ce qui vient de vous ; je ne veux faire que ce que de toute éternité vous avez, comme Verbe, décidé pour moi : réaliser l’idéal divin qui est en vous à mon sujet ». (…)

Tâchons de faire en sorte, par la prière et par un regard toujours fixé sur notre modèle, que le surnaturel fournisse tous nos mobiles pour que le nom du Père soit sanctifié, que son règne arrive, que sa volonté se fasse : alors toute notre vie sera vraiment divinisée. Alors aussi toute notre vie, retournant à Dieu, sera devenue comme une louange incessante, extrêmement agréable à notre Père céleste. Éclairés, inspirés, mûs par son Verbe et son Esprit, nous pourrons dire : « Le Seigneur me dirige » (cf. Rm 8,14). Et aussitôt nous ajouterons avec le psalmiste : « Rien ne me manquera » (Ps 22,1).

Car le Père, n’apercevant en nous que ce qui vient de lui, de la grâce de son Fils, de l’inspiration de son Esprit, nous voyant selon son désir, unis en toute chose à son Fils, nous embrasse de la complaisance même qu’il porte à son propre Fils et nous comble des richesses inépuisables de son Royaume. Notre œuvre à nous a été de nous dépouiller de nous-même pour nous laisser mener à Dieu par le Christ. (…) Toutes les bénédictions dont est comblé le Fils deviennent notre part et notre héritage. Dieu abandonne au néant de leur prétendues richesses ceux qui, croyant posséder, se reposent en eux-mêmes ; mais sa miséricorde infinie comble des biens d’en haut la misère qui n’espère qu’en lui (cf. Lc 1,53).

Bienheureux Columba Marmion (1858-1923)

 

 

 

« Heureux, vous les pauvres… »

mercredi 7 septembre 2022

Les défavorisés apprennent de l’Église que, selon le jugement de Dieu lui-même, la pauvreté n’est pas un opprobre et qu’il ne faut pas rougir de devoir gagner son pain par le travail. C’est ce que Jésus Christ notre Seigneur a confirmé par son exemple, lui qui « de riche qu’il était, s’est fait pauvre » (2Co 8,9) pour le salut des hommes. Fils de Dieu et Dieu lui-même, il a voulu passer aux yeux du monde pour le fils d’un ouvrier ; il est allé jusqu’à passer une grande partie de sa vie à travailler pour gagner sa vie : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie ? » (Mc 6,3)

Quiconque tiendra sous son regard ce modèle divin comprendra facilement ce que nous allons dire : la vraie dignité de l’homme et son excellence résident dans ses mœurs, c’est-à-dire dans sa vertu ; la vertu est le patrimoine commun des mortels, à la portée de tous, des petits et des grands, des pauvres et des riches ; seuls la vertu et les mérites, partout où on les rencontre, obtiendront la récompense de l’éternelle béatitude. Bien plus, c’est vers les défavorisés que le cœur de Dieu semble s’incliner davantage. Jésus Christ appelle les pauvres des bienheureux ; il invite avec amour tous ceux qui souffrent et qui pleurent à venir à lui, afin de les consoler (Mt 11,28) ; il embrasse avec une charité plus tendre les petits et les opprimés.

Ces doctrines sont bien faites certainement pour humilier l’âme hautaine du riche et le rendre plus compatissant, pour relever le courage de ceux qui souffrent et leur inspirer de la confiance. Elles pourraient diminuer cette distance que l’orgueil se plaît à maintenir ; on obtiendrait sans peine que des deux côtés on se donne la main et que les volontés s’unissent dans une même amitié.

Léon XIII

 

 

 

Le sel de la terre

mardi 7 juin 2022

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« Vous êtes le sel de la terre » dit le Sauveur ; il leur montre par là combien sont nécessaires tous les préceptes qu’il vient d’énoncer. « Ma parole, leur dit-il, ne sera pas seulement pour votre propre vie, mais elle vous est confiée pour le monde entier. Je ne vous envoie pas à deux villes, à dix ou à vingt, ni à un seul peuple, comme autrefois les prophètes. Je vous envoie à la terre, à la mer, à toute la création (Mc 16,15), partout où abonde le mal. »

En effet, en leur disant : « Vous êtes le sel de la terre », il leur a indiqué que toute la nature humaine est affadie, corrompue par le péché ; c’est par leur ministère que la grâce de l’Esprit Saint régénèrera et conservera le monde. C’est pourquoi il leur enseigne les vertus des Béatitudes, celles qui sont les plus nécessaires, les plus efficaces chez ceux qui ont la charge de la multitude. Celui qui est doux, modeste, miséricordieux, juste ne renferme pas en lui-même les bonnes actions qu’il accomplit ; il a soin que ces belles sources coulent aussi pour le bien des autres. Celui qui a le cœur pur, qui est artisan de paix, qui souffre persécution pour la vérité, voilà la personne qui consacre sa vie au bien de tous.

Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l’Église
Sermons sur saint Matthieu, n° 15

 

 

 

« Le Royaume des cieux est à eux. »

lundi 6 juin 2022

« Heureux les pacifiques : ils seront appelés fils de Dieu. » On ne peut pas savoir ce qu’un serviteur de Dieu possède de patience et d’humilité tant que tout va selon ses désirs. Mais quand vient le temps où ceux qui devaient respecter ses volontés se mettent au contraire à les contester, ce qu’il manifeste alors de patience et d’humilité, voilà alors exactement ce qu’il en possède, et rien de plus.

« Heureux ceux qui ont l’esprit de pauvreté, car le Royaume des cieux leur appartient. » Il y en a beaucoup qui sont épris de prières et d’offices, et qui infligent fréquemment à leur corps des mortifications et des abstinences. Mais pour un mot qui leur semble un affront ou une injustice envers leur cher moi, ou bien pour tel ou tel objet qu’on leur enlève, les voilà qui s’indignent aussitôt et perdent la paix de l’âme. Ceux-là n’ont pas le véritable esprit de pauvreté : car celui qui a le véritable esprit de pauvreté renonce à lui-même, et chérit ceux qui le frappent sur la joue (Mc 8,34; Mt 5,39).

« Heureux les pacifiques : ils seront appelés fils de Dieu. » Sont vraiment pacifiques ceux qui, malgré tout ce qu’ils ont à souffrir en ce monde pour l’amour de notre Seigneur Jésus Christ, gardent la paix de l’âme et du corps.

« Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. » Ont vraiment le cœur pur ceux qui méprisent les biens de la terre, cherchent ceux du ciel et, ainsi purifiés de tout attachement de l’âme et du cœur, ne cessent jamais d’adorer et de voir rien d’autre que le Seigneur Dieu vivant et vrai.

Saint François d’Assise (1182-1226)

 

 

 

« Heureux les pauvres de cœur. »

lundi 7 juin 2021

Si Dieu seul est bienheureux, comme dit l’apôtre Paul (1Tm 1,11 ;6,15), si les hommes participent à sa béatitude par leur ressemblance avec lui mais que l’imitation soit impossible, la béatitude est irréalisable pour la condition humaine. Mais il est possible à l’homme d’imiter Dieu en quelque manière. Comment ? La « pauvreté en esprit » me semble désigner l’humilité. L’apôtre Paul nous donne en exemple la pauvreté de Dieu, « qui pour nous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, pour nous faire partager sa richesse par sa pauvreté » (2Co 8,9). Tout ce que nous pouvons percevoir par ailleurs de la nature divine dépasse les limites de notre condition, mais l’humilité nous est possible ; nous la partageons avec tous ceux qui vivent sur terre, façonnés de la glaise à laquelle ils retournent (Gn 2,7 ;3,19). Si donc tu imites Dieu en ce qui est conforme à ta nature et ne dépasse pas tes ressources, tu revêts comme un vêtement la forme bienheureuse de Dieu.

Qu’on ne s’imagine pas qu’il est facile d’acquérir l’humilité. Au contraire, ceci est plus difficile que l’acquisition de toute autre vertu. Pourquoi ? Parce qu’à l’heure où se reposait l’homme qui avait semé le bon grain, l’ennemi a semé la part la plus considérable de la semence, l’ivraie de l’orgueil, qui a pris racine en nous (Mt 13,25)…

Comme presque tous les hommes sont naturellement portés à l’orgueil, le Seigneur commence les Béatitudes, en écartant ce mal initial de l’orgueil et en conseillant d’imiter le vrai Pauvre volontaire qui en vérité est bienheureux, de manière à lui ressembler, selon notre pouvoir, par une pauvreté volontaire pour avoir part à sa propre béatitude. « Ayez en vous, écrit saint Paul, les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus. Quoique de condition divine, il ne s’est pas prévalu de son égalité avec Dieu mais il s’est anéanti lui-même et prit la condition d’esclave » (Ph 2,5-7).

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395

 

 

 

Réjouis-toi, assemblée de Dieu !

dimanche 1 novembre 2020

Réjouissez-vous donc sans cesse dans le Seigneur (cf. Ph 4,4), enfants bien-aimés. Réjouissez-vous, je vous en prie, citoyens des cieux, mais exilés sur la terre, habitants de la Jérusalem d’en-haut (cf. Ga 4,26), mais bannis des affaires d’ici-bas, héritiers du royaume des cieux, mais déshérités qui n’avez point part aux plaisirs terrestres ! Réjouissez-vous, voyageurs pleins d’ardeur, de subir, au nom du commandement de Dieu, l’exil et les mauvais traitements en terre étrangère ! Réjouissez-vous, vous, les derniers selon le monde, mais maîtres des biens qui dépassent notre intellect (cf. Ph 4,7) !

Réjouissez-vous, noble compagnie, réunie par Dieu, assemblée unie d’âme et de cœur, qu’animent l’amour filial et l’amour fraternel, réplique sur terre de la troupe des anges ! (…) Réjouissez-vous, travailleurs de Dieu, (…) et hommes apostoliques. (…) Réjouissez-vous, vous qui mettez votre joie les uns dans les autres, chacun faisant sienne la bonne réputation de son frère, vous chez qui on ne trouve ni jalousie, ni rivalité, ni envie, mais à la place paix, charité et vie commune ; en vérité je ne dis pas que nous ne sommes pas attaqués – en effet, qui est couronné si ce n’est celui qui lutte et qui combat, qui échange traits et blessures avec les assaillants ? –, mais je dis que nous ne nous laissons pas abattre par les machinations de Satan.

Oui, mes enfants rassemblés par Dieu, nourrissez-vous de la provende de l’Esprit et buvez l’eau donnée par le Seigneur ; quiconque vient à posséder cette eau, n’aura plus jamais soif, mais elle sera pour lui source d’eau jaillissant en vie éternelle (cf. Jn 4,14). (…) Encore un peu de temps et nous aurons vaincu. Et bienheureux serons-nous, bienheureux aussi seront dits les lieux, les parents et les patries qui vous auront portés (cf. Lc 11,27-28)

Saint Théodore le Studite (759-826)

 

 

 

« Heureux vous qui pleurez maintenant ! »

mercredi 9 septembre 2020

« Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » (Mt 5,5). Par cette parole le Seigneur veut nous faire comprendre que le chemin de la joie, c’est les pleurs. Par la désolation on va à la consolation ; c’est en perdant sa vie qu’on la trouve, en la rejetant qu’on la possède, en la haïssant qu’on l’aime, en la méprisant qu’on la garde (Mt 16,24s). Si tu veux te connaître toi-même et te maîtriser, entre en toi-même et ne te cherche pas au-dehors (…). Rentre en toi-même, pécheur, rentre là où tu es, en ton cœur (…). L’homme qui rentre en lui-même, ne se découvrira-t-il pas au loin, comme le fils prodigue, dans une région de dissemblance, dans une terre étrangère, où il s’assied et pleure au souvenir de son père et de sa patrie ? (Lc 15,17). (…)

« Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9) Peut-être encore dans l’ombre pour ne pas te voir toi-même ; tu couds ensemble des feuilles de vanité pour couvrir ta honte, regardant ce qui est autour de toi et ce qui est à toi. (…) Regarde au-dedans, regarde-toi (…). Rentre au-dedans de toi, pécheur, reviens à ton âme. Vois et pleure cette âme sujette à la vanité, à l’agitation et qui ne peut pas se libérer de sa captivité. (…) Il est évident, frères, nous vivons en dehors de nous-mêmes, nous sommes oublieux de nous-mêmes, chaque fois que nous nous dissipons dans les balivernes ou les distractions, que nous nous régalons de futilités. Et c’est pourquoi la Sagesse a toujours à cœur d’inviter à la maison du repentir plutôt qu’à la maison de la bombance, c’est-à-dire de rappeler en lui-même l’homme qui était au-dehors de lui-même, en disant : « Bienheureux ceux qui pleurent » et dans un autre passage : « Malheur à vous qui riez maintenant ».

Mes frères, gémissons en présence du Seigneur dont la bonté porte à pardonner ; tournons-nous vers lui « dans le jeûne, les pleurs, le deuil sur nous-mêmes » (Jl 2,12) pour qu’un jour (…) ses consolations réjouissent nos âmes. Bienheureux en effet ceux qui pleurent, non parce qu’ils pleurent, mais parce qu’ils seront consolés. Les pleurs sont le chemin ; la consolation c’est la béatitude

Isaac de l’Étoile (?-v. 1171)

 

 

 

« Heureux les pauvres en esprit » (Mt 5,3)

lundi 17 août 2020

Il ne faut pas rejeter les biens susceptibles d’aider notre prochain. La nature des possessions est d’être possédées ; celle des biens est de répandre le bien ; Dieu les a destinés au bien-être des hommes. Les biens sont entre nos mains comme des outils, des instruments dont on tire un bon emploi si on sait les manier. (…) La nature a fait de la richesse une servante, non une maîtresse. Il ne faut donc pas la décrier, puisqu’elle n’est en soi ni bonne ni mauvaise, mais parfaitement innocente. De nous seuls dépend l’usage, bon ou mauvais, que nous en ferons : notre esprit, notre conscience sont entièrement libérés de disposer à leur guise des biens qui leur ont été confiés. Détruisons donc, non pas nos biens, mais les passions qui en pervertissent l’usage. Lorsque nous serons devenus honnêtes, nous saurons alors user honnêtement de notre fortune. Ces biens dont on nous dit de nous défaire, comprenons bien que ce sont les passions de l’âme. (…) Vous ne gagnez rien à vous appauvrir de votre argent, si vous demeurez riches de passions. (…)

Voilà comment le Seigneur conçoit l’usage des biens extérieurs : nous devons nous défaire non pas d’un argent qui nous fait vivre, mais des forces qui nous en font mal user, c’est-à-dire les maladies de l’âme, les passions. (…) Il faut purifier notre âme c’est-à-dire la rendre pauvre et nue et écouter en cet état l’appel du Sauveur : « Viens, suis-moi ». Il est la voie où marche celui qui a le cœur pur. (…) Celui-ci considère sa fortune, son or, son argent, ses maisons comme des grâces de Dieu, et lui témoigne sa reconnaissance en secourant les pauvres de ses propres fonds. Il sait qu’il possède ces biens plus pour ses frères que pour lui-même ; il reste plus fort que ses richesses, bien loin d’en devenir l’esclave ; il ne les enferme pas en son âme (…). Et si un jour son argent vient à disparaître, il accepte sa ruine d’un cœur aussi joyeux qu’aux plus beaux jours. Cet homme, dis-je, Dieu le déclare bienheureux et l’appelle « pauvre en esprit » (Mt 5,3), héritier assuré du Royaume des cieux qui sera fermé à ceux qui n’auront pu se passer de leur opulence

Saint Clément d’Alexandrie (150-v. 215)