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Archive pour le mot-clef ‘Ecritures’

« Une lumière s’est levée. » (Mt 4,16)

lundi 3 janvier 2022

Parce que la nature humaine, pétrifiée par le culte des idoles et figée par la glace du paganisme, avait perdu toute agilité vers le bien, à cause de cela le soleil de justice se lève sur ce rigoureux hiver et amène le printemps. En même temps que les rayons montent à l’Orient, le vent du sud fait fondre cette glace, en réchauffant toute la masse, afin que l’homme pétrifié par le froid soit pénétré de chaleur par l’Esprit et fonde sous les rayons du Verbe, et qu’il devienne à nouveau une source jaillissante pour la vie éternelle. « Il soufflera son vent et les eaux couleront » (Ps 147,7 LXX). C’est ce que le Baptiste proclamait ouvertement aux Juifs, lorsqu’il leur disait que les pierres se lèveraient pour devenir des enfants du Patriarche (cf. Mt 3,9), imitant sa vertu.

Voilà ce que l’Église apprend du Verbe, quand elle reçoit l’éclat de la vérité par les fenêtres des prophètes et le treillis de la Loi, tant que le mur de la doctrine et ses figures, je veux dire la Loi, demeure (cf. Ct 2,9) ; il montre l’ombre des choses à venir, mais non pas l’image même des réalités. Mais derrière la Loi se tient la vérité qui suit la figure. Elle fait d’abord briller le Verbe pour l’Église par des prophètes, puis la révélation de l’Évangile dissipe tout le spectacle d’ombre des figures. Par elle « le mur de séparation est détruit » (Ep 2,14), et l’air dans la maison est envahi par la lumière céleste : point n’est besoin désormais de recevoir la lumière par des fenêtres, puisque la vrai lumière elle-même éclaire tout ce qui est à l’intérieur des rayons de l’Évangile.

C’est pourquoi le Verbe qui redresse ceux qui sont brisés crie à l’Église à travers les fenêtres : Relève-toi (de ta chute, bien-sûr), toi qui avais glissé dans la boue du péché, toi qui avais été enchaînée par le serpent, qui étais tombée à terre et que la désobéissance avait entraînée dans la chute. Relève-toi !

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395)

 

 

Fête de saint Jean, apôtre et évangéliste

lundi 27 décembre 2021

En proportion de la grâce qui faisait que Jésus l’aimait et qui l’a fait reposer sur la poitrine de Jésus à la Cène (Jn 13,23), Jean a reçu avec abondance [les dons de l’Esprit] l’intelligence et la sagesse (Is 11,2) — l’intelligence pour comprendre les Écritures ; la sagesse pour rédiger ses propres livres avec un art admirable. À vrai dire, il n’a pas reçu ce don dès le moment où il a reposé sur la poitrine du Seigneur, même si par la suite il a pu puiser dans ce cœur « où sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science » (Col 2,3). Lorsqu’il dit qu’en entrant dans le tombeau « il vit et il crut », il reconnaît « qu’ils ne connaissaient pas encore les Écritures, et qu’il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20,9). Comme les autres apôtres, Jean a reçu sa pleine mesure lorsque l’Esprit Saint est venu [à la Pentecôte], lorsque la grâce a été donnée à chacun « selon la mesure du don du Christ » (Ep 4,7). (…)

Le Seigneur Jésus a aimé ce disciple plus que les autres (…), et il lui a ouvert les secrets du ciel (…) pour faire de lui l’écrivain du mystère profond dont l’homme ne peut rien dire par lui-même : le mystère du Verbe, la Parole de Dieu, du Verbe qui s’est fait chair. C’est le fruit de cet amour. Mais, même s’il l’aimait, ce n’est pas à lui que Jésus a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16,18). (…) Tout en aimant tous ses disciples et surtout Pierre d’un amour de l’esprit et de l’âme, notre Seigneur a aimé Jean d’un amour du cœur. (…) Dans l’ordre de l’apostolat, Simon Pierre a reçu la première place et « les clés du Royaume des cieux » (Mt 16,19) ; Jean, lui, a obtenu un autre héritage : l’esprit d’intelligence, « un trésor de joie et d’allégresse » (Si 15,6).

Rupert de Deutz (v. 1075-1130)

 

 

« Voici la servante du Seigneur. »

lundi 20 décembre 2021

L’offrande de soi doit monter sans cesse de l’âme comme l’expression la plus parfaite de l’amour et comme une provocation continuelle à la miséricorde divine ; par elle l’âme respire et aspire l’amour, se purifie et s’unit à son Dieu. (…) La Vierge Marie parce que comblée de grâce par l’Esprit Saint et perdue dans la lumière simple de Dieu, avait toutes ses énergies paisiblement tendues vers la réalisation de la volonté divine. Voici que l’archange Gabriel paraît et la salue. La Vierge est un instant troublée par cette présence et cette louange. Mais son sens spirituel affiné a promptement reconnu la qualité surnaturelle de son messager. (…) Marie a compris : c’est bien le Messie dont l’ange lui propose de devenir la mère. Elle n’y avait point songé, car elle s’ignorait elle-même. La simplicité de sa grâce lui en voilait l’immensité. Elle ne connaissait que Dieu et sa volonté. Devant ces perspectives qui s’ouvrent soudainement devant elle, elle ne posera qu’une question car elle est préoccupée de sa virginité : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? » Rassurée par l’ange qui lui répond : « Le Saint-Esprit descendra sur vous et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre », la Vierge Marie, sans hésitation, sans demander quelques jours pour réfléchir et consulter ou même quelques instants pour se préparer, donne pour elle-même et pour toute l’humanité son adhésion au plus sublime et au plus terrible des contrats : à l’union en son sein de l’humanité à la divinité, au Calvaire et au mystère de l’Église. Et le Verbe se fit chair grâce au Fiat de la Vierge qu’une disposition d’offrande complète et indéterminée avait depuis longtemps préparé en son âme souple et docile. En nos âmes aussi le don de soi provoque les divines emprises et nous prépare au même Fiat fécond.

Bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus

 

 

 

« Marie, de laquelle fut engendré Jésus. »

vendredi 17 décembre 2021

Les Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament et la Tradition vénérable mettent dans une lumière de plus en plus grande le rôle de la Mère du sauveur dans l’économie du salut et le proposent pour ainsi dire à notre contemplation. Les livres de l’Ancien Testament, en effet, décrivent l’histoire du salut et la lente préparation de la venue du Christ au monde. Ces documents primitifs, tels qu’ils sont lus dans l’Église et compris à la lumière de la révélation postérieure et complète, font apparaître progressivement dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur. Dans cette clarté, celle-ci se trouve prophétiquement esquissée dans la promesse (faite à nos premiers parents après la chute) d’une victoire sur le serpent (cf. Gn 3, 15). De même, c’est elle, la Vierge, qui concevra et enfantera un fils auquel sera donné le nom d’Emmanuel (cf. Is 7, 14; cf. Mi 5, 2-3; Mt 1, 22-23). Elle occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Enfin, avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, s’accomplissent les temps et s’instaure l’économie nouvelle, lorsque le Fils de Dieu, par elle, prit la nature humaine pour libérer l’homme du péché par les mystères de sa chair.

Concile Vatican II

 

 

« Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux subit la violence. »

jeudi 9 décembre 2021

« Quelqu’un lutta avec Jacob jusqu’au lever du jour…, et Jacob lui dit : ‘ Je ne te lâcherai pas avant que tu m’aies béni ‘ » (Gn 32,25.27) Pour vous, mes frères, qui avez entrepris d’enlever le ciel d’assaut et qui avez engagé la lutte avec l’ange chargé de garder l’accès de l’arbre de vie (Gn 3,24), pour vous il est absolument nécessaire de lutter avec constance et ténacité…, non seulement jusqu’à la paralysie de votre hanche…, mais jusqu’à la mort de votre être charnel. Toutefois, votre ascèse ne pourra y parvenir que si la puissance divine vous touche et vous en fait la grâce…

Ne te semble-t-il pas lutter avec l’ange ou plutôt avec Dieu lui-même, lorsque, chaque jour, il se met en travers de tes désirs les plus fougueux ?… Tu cries vers lui et il ne t’écoute pas. Tu veux t’approcher de lui, et il te repousse. Tu décides quelque chose, et il fait arriver le contraire. Ainsi, sur presque tous les plans, il te combat d’une main rude. Ô bonté cachée, déguisée en dureté, avec quelle tendresse, Seigneur, tu combats ceux pour qui tu combats ! Tu as beau « le cacher dans ton cœur », « je sais bien que tu aimes ceux qui t’aiment », et que « l’abondance de la bonté que tu tiens en réserve pour ceux qui te craignent » est sans limites (Jb 10,13; Pr 8,17; Ps 30,20).

Alors, frère, ne désespère pas, agis courageusement, toi qui as entrepris de lutter avec Dieu ! A vrai dire, il aime que tu lui fasses violence, il désire que tu l’emportes sur lui. Même quand il est irrité et qu’il étend le bras pour frapper, il cherche, comme il le dit lui-même, un homme semblable à Moïse qui sache lui résister… Jérémie, lui, a bien tenté de lui résister, mais il n’a pas pu retenir sa colère implacable, sa sentence inflexible ; c’est pourquoi il a fondu en larmes en disant : « Tu as été plus fort que moi, et tu l’as emporté » (20,7).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

« Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham (…) au festin du Royaume des cieux. »

lundi 29 novembre 2021

« Voici venir des jours, oracle du Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle. (…) Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur » (Jr 31,31s). Isaïe annonce que ces promesses doivent être un héritage pour l’appel des païens ; pour eux aussi le livre de la Nouvelle Alliance a été ouvert : « Voici ce que dit le Dieu d’Israël : ‘En ce jour-là, l’homme regardera vers son créateur et tournera les yeux vers le Saint d’Israël. Ils ne mettront plus leur espérance dans des autels d’idoles ni dans des œuvres de leurs mains (…)’ » (17,7s). Il est bien évident que cela s’adresse à ceux qui abandonnent les idoles et croient en Dieu notre créateur grâce au Saint d’Israël, et le Saint d’Israël, c’est le Christ. (…)

Dans le livre d’Isaïe, le Verbe lui-même dit qu’il devait se manifester parmi nous — le Fils de Dieu, en effet, s’est fait fils d’homme — et se laisser trouver par nous qui auparavant ne le connaissions pas : « Je me suis manifesté à ceux qui ne me cherchaient pas ; j’ai été trouvé par ceux qui ne me questionnaient pas ; j’ai dit : ‘Me voici’ à un peuple qui n’avait pas invoqué mon nom » (65,1). Que ce peuple, dont parle Isaïe, doive être un peuple saint, cela a été annoncé dans les douze prophètes par Osée : « J’aimerai Non-Aimée et à Pas-mon-peuple je dirai : ‘Tu es mon peuple’ (…) et ils seront appelés ‘fils du Dieu vivant’ » (Rm 9,25-26; Os 2,25; cf 1,9). C’est aussi le sens de ce qu’a dit Jean Baptiste : « Dieu peut, de ces pierres, faire surgir des fils à Abraham » (Mt 3,9). En effet, après avoir été arrachés par la foi au culte des pierres, nos cœurs voient Dieu et nous devenons fils d’Abraham, qui a été justifié par la foi.

Saint Irénée de Lyon (v. 130-v. 208)

 

 

Persistons à prier !

samedi 13 novembre 2021

Je dirai ce que l’expérience m’a révélé des marques auxquelles on reconnaît qu’une prière est exaucée du Seigneur. Si nulle hésitation n’est venue traverser notre prière, et que nulle pensée de doute n’en ait brisé le confiant élan ; si, au contraire, nous avons le sentiment intime d’avoir obtenu ce que nous demandions dans l’effusion même de notre prière ; celle-ci, n’en doutons pas, a été efficace auprès de Dieu. Car ce qui nous vaut d’être exaucés et d’obtenir satisfaction, c’est la foi au regard de Dieu sur nous, et la confiance qu’il a le pouvoir d’accorder ce qu’on lui demande. Notre Seigneur ne peut reprendre sa parole : « Tout ce que vous demanderez dans la prière, dit-il, croyez que vous l’obtiendrez, et il vous sera donné. » (Mc 11,24) (…)

Arrière donc toute hésitation, qui trahirait un manque de foi, et persistons à prier ! Notre persévérance nous méritera de voir exaucer toute demande qui sera selon Dieu, il n’en faut point douter. C’est le Seigneur lui-même qui, dans son désir de nous accorder les biens célestes et éternels, nous exhorte à lui faire violence en quelque sorte par notre importunité. Et loin de repousser avec mépris les importuns, il les encourage, il les loue, il leur fait la douce promesse de leur accorder tout ce qu’ils auront espéré avec constance : « Demandez, dit-il, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira : car quiconque demande, reçoit ; et qui cherche, trouve ; et à celui qui frappe, on ouvre ; » (Lc 11, 9-10) et encore : « Tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l’obtiendrez, et rien ne vous sera impossible. » (Mt 21,22 ; 17,20)

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

Le feu intérieur de l’amour

jeudi 21 octobre 2021

Un des meilleurs fruits de la vie d’union et d’abandon à Dieu est d’entretenir dans l’âme le feu de l’amour, non seulement de l’amour divin, mais encore de la charité envers le prochain. Au contact fréquent du foyer de l’Amour substantiel, l’âme s’embrase pour les intérêts et la gloire du Seigneur, pour l’extension du règne du Christ dans les cœurs. La vraie vie intérieure nous livre aux âmes autant qu’à Dieu : elle est source de zèle. Quand on aime véritablement Dieu, en effet, on désire qu’il soit aimé, que « son nom soit glorifié, que son règne arrive dans les âmes, que sa volonté soit faite en tous » (cf. Mt 6, 9-10).

L’âme qui aime vraiment Dieu ressent profondément les injures qui sont faites à l’objet de son amour ; « elle défaut à la vue des iniquités des pécheurs qui transgressent la loi divine » (Ps 118,53 Vg). Elle souffre de voir s’étendre par le péché l’empire du prince des ténèbres ; car Satan « rôde toujours, veillant et cherchant une proie à dévorer » (1P 5,8) ; il a des complices auxquels il souffle une ardeur incessante, un zèle de haine contre les membres du Christ Jésus. L’âme qui aime sincèrement Dieu est, elle aussi, dévorée de zèle, mais pour la gloire de la maison du Seigneur (cf. Ps 68, 10 Vg).

Qu’est-ce, en effet, que le zèle ? C’est une ardeur qui brûle et se communique, qui consume et se répand ; c’est la flamme de l’amour ‒ ou de la haine ‒ se manifestant au dehors par l’action. L’âme embrasée d’un saint zèle se dépense sans compter pour les intérêts de Dieu ; elle cherche à les servir de toutes ses puissances. Et plus le foyer de ce feu intérieur est ardent, plus il rayonne au dehors. Elle est animée de ce feu que le Christ Jésus est venu apporter sur la terre, et qu’il désire si ardemment voir s’allumer en nous (cf. Lc 12,49).

Bienheureux Columba Marmion (1858-1923)

 

Saint Luc, évangéliste et compagnon de Paul

lundi 18 octobre 2021

Lorsque, après avoir abandonné les ténèbres de l’erreur pour adhérer à l’amour de Dieu, Paul se joint au nombre des disciples, Luc l’accompagne partout et devient son compagnon de voyage (Ac 16,10s). (…) Il s’accorde si bien avec lui, il lui est si familier et il partage à tel point toutes ses grâces que Paul, lorsqu’il écrit aux croyants, appelle Luc son bien-aimé (Col 4,14). Depuis Jérusalem et toute sa contrée jusqu’en Dalmatie (Rm 15,19), il a prêché avec lui l’Évangile. Depuis la Judée jusqu’à Rome, il partage avec lui les mêmes chaînes, les mêmes travaux, les mêmes peines, les mêmes naufrages. Il voulait recevoir avec lui la même couronne pour avoir pris part aux mêmes labeurs.

Après avoir acquis avec Paul le talent de la prédication et avoir gagné et conduit tant de nations à l’amour de Dieu, Luc apparaît bien comme le disciple aimant et aimé du Sauveur ainsi que l’évangéliste qui a écrit son histoire sacrée ; car il avait jadis suivi le Maître (cf Lc 10,1), il avait recueilli les témoignages de ses premiers serviteurs (Lc 1,1) et il avait reçu l’inspiration d’en haut. C’est lui l’évangéliste qui a raconté le mystère du messager Gabriel envoyé à la Vierge pour annoncer la joie au monde entier. C’est lui qui a raconté clairement la naissance du Christ : il nous montre le nouveau-né couché dans une crèche et décrit les bergers et les anges proclamant la joie. (…) Il rapporte les enseignements donnés en paraboles en plus grand nombre que les autres évangélistes. Et de même qu’il nous fait connaître la descente du Verbe, la Parole de Dieu, sur la terre, de même il nous décrit son Ascension dans le ciel et son retour au trône du Père (24,51). (…)

Mais en Luc, la grâce ne se borne pas à cela. Sa langue ne se limite pas au service du seul Évangile. Après la fin des miracles du Christ, il raconte aussi les Actes des Apôtres. (…) Luc n’est pas seulement spectateur de tout cela, mais il y participe vraiment. Et c’est pourquoi il met tant de soin à nous en instruire.

Vie anonyme byzantine de saint Luc (11e siècle)

 

 

« Ils se mirent à lui en vouloir terriblement et ils le harcelaient. »

jeudi 14 octobre 2021

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Jn 3,16). Ce Fils unique « a été offert », non parce que ses ennemis ont prévalu, mais « parce que lui-même l’a voulu » (Is 53,10-11). « Il a aimé les siens ; il les a aimés jusqu’à la fin » (Jn 13,1). La fin, c’est la mort acceptée pour ceux qu’il aime ; voilà la fin de toute perfection, la fin de l’amour parfait, car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13).

Cet amour du Christ a été plus puissant dans la mort du Christ que la haine de ses ennemis ; la haine a pu faire seulement ce que l’amour lui permettait. Judas, ou les ennemis du Christ, l’ont livré à la mort, par une haine méchante. Le Père a livré son Fils, et le Fils s’est livré lui-même par amour (Rm 8,32; Ga 2,20). L’amour n’est cependant pas coupable de trahison ; il est innocent, même quand le Christ en meurt. Car seul l’amour peut faire impunément ce qui lui plaît. Seul l’amour peut contraindre Dieu et comme lui commander. C’est lui qui l’a fait descendre du ciel et l’a mis en croix, lui qui a répandu le sang du Christ pour la rémission des péchés, en un acte aussi innocent que salutaire. Toute notre action de grâce pour le salut du monde est donc due à l’amour. Et il nous presse, par une logique contraignante, d’aimer le Christ autant que d’autres ont pu le haïr.

Baudouin de Ford (?-v. 1190)