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Archive pour le mot-clef ‘St Jean Cassien’

« Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. » (1 Tim 2,4)

jeudi 31 octobre 2024

Dieu n’a pas créé l’homme pour qu’il se perde, mais pour qu’il vive éternellement : ce dessein demeure immuable. Dès qu’il voit éclater en nous la plus petite étincelle de bonne volonté, ou qu’il la fait jaillir lui-même de la dure pierre de notre cœur, sa bonté en prend un soin attentif. Il l’excite, il la fortifie par son inspiration. Car « il veut que tous les hommes soient sauvés et qu’ils viennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tim 2,4)

« C’est la volonté de votre Père qui est dans les cieux, dit le Seigneur, qu’il ne se perde pas un seul de ces petits. » (Mt 18,14) (…) Dieu est véridique ; et il ne ment pas, lorsqu’il assure avec serment : « Je suis vivant, dit le Seigneur Dieu : je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse de sa voie mauvaise et qu’il vive. » (Ez 33,11) C’est sa volonté qu’il ne se perde pas un seul de ces petits : peut-on bien penser dès lors, sans un sacrilège énorme, qu’il ne veuille pas le salut de tous généralement, mais seulement de quelques-uns ? Quiconque se perd, se perd contre sa volonté. Chaque jour, il lui crie : « Convertissez-vous de vos voies mauvaises ! Et pourquoi mourriez-vous, maison d’Israël ? » (Ez 33,11) Et de nouveau : « Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ; et tu ne l’as pas voulu ! » (Mt 23,37) Ou bien : « Pourquoi ce peuple Jérusalem s’est-il détourné de moi avec tant d’opiniâtreté Ils ont endurci leurs fronts ; ils n’ont pas voulu revenir. » (Jr 8,5 ; 5,3 Vg)

La grâce du Christ est donc toujours à notre disposition. Comme « il veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1 Tim 2,4), il les appelle aussi tous, sans exception : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. » (Mt 11,28)

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

« Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (Lc 10, 20)

vendredi 4 octobre 2024

C’est l’humilité qui est la maîtresse de toutes les vertus, le fondement inébranlable de l’édifice céleste, le don propre et magnifique du Sauveur. Celui-là pourra faire, sans péril d’élèvement, tous les miracles que le Seigneur a opérés, qui cherche à imiter le doux Seigneur, non dans la sublimité de ses prodiges, mais dans la vertu de patience et d’humilité. (…)

Si l’on vient à faire en notre présence quelque prodige, ce n’est pas l’émerveillement des signes qui doit rendre son auteur estimable à nos yeux, mais seulement la beauté de sa vie. Ce n’est pas de savoir si les démons lui sont soumis qu’il faut s’enquérir, mais s’il possède les membres de la charité que l’Apôtre énumère. Aussi bien, est-ce un plus grand miracle d’extirper de sa propre chair le foyer de la luxure, que d’expulser les esprits immondes du corps d’autrui ; un signe plus magnifique, de contenir, par la vertu de patience, les mouvements sauvages de la colère, que de commander aux puissances de l’air. C’est quelque chose de plus, d’exclure de son propre cœur les morsures dévorantes de la tristesse, que de chasser les maladies et les fièvres corporelles des autres. Enfin, c’est, à bien des titres, une plus noble vertu, un progrès plus sublime, de guérir les langueurs de son âme, que celles du corps chez autrui.

Plus l’âme est élevée au-dessus de la chair, plus est préférable son salut ; plus sa substance l’emporte par l’excellence et le prix, plus grave et funeste serait sa ruine. Des guérisons corporelles, il est dit aux bienheureux Apôtres : « Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis. » (Lc 10,20) Ce n’était pas leur puissance qui opérait ces prodiges, mais la vertu du nom qu’ils invoquaient. Et voilà pourquoi ils sont avertis de ne pas revendiquer ni béatitude ni gloire pour ce qui ne s’accomplit que par la puissance et la vertu de Dieu, mais uniquement pour la pureté intime de leur vie et de leur cœur, qui mérite d’avoir leurs noms inscrits dans les cieux.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

« Que votre règne vienne ! »

jeudi 20 juin 2024

Dans la deuxième demande [de la prière du « Notre Père »], l’âme très pure exprime le vœu de voir arriver bientôt le règne de son Père.

Elle peut viser par là d’abord le règne inauguré chaque jour par le Christ dans l’âme des saints. C’est ce qui se produit, lorsque le diable une fois chassé de notre cœur avec les vices dont il l’infectait, et son empire évanoui, Dieu entre chez nous en souverain, en même temps que s’y répand la bonne odeur des vertus. La fornication vaincue, c’est la chasteté qui règne dans notre âme ; la fureur surmontée, la tranquillité ; la superbe foulée aux pieds, l’humilité.

Elle peut aussi avoir en vue celui qui a été promis pour un temps marqué d’avance à tous les parfaits d’une manière générale, à tous les enfants de Dieu. C’est alors que le Christ doit leur dire : « Venez, les bénis de mon Père ; entrez en possession du royaume qui vous a été préparé dès avant la création du monde. » (Mt 25,34) L’âme tient ses regards ardemment fixés sur cet heureux terme, pleine de désir et d’attente, et elle s’écrie : « Que votre règne arrive ! » Elle sait bien, car sa conscience lui en rend témoignage, que, dès qu’il aura paru, elle entrera en partage de ce royaume.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

« Heureux les doux »

lundi 10 juin 2024

L’une des béatitudes exaltées par la bouche de notre Sauveur, nous rend cette vérité manifeste : « Heureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre. » (Mt 5,4) Nous n’avons point d’autre moyen de posséder notre terre, c’est-à-dire de soumettre à notre empire la terre rebelle de notre corps, que de fonder tout d’abord notre âme en la douceur de la patience ; dans les combats que la passion suscite à notre chair, le triomphe ne s’obtient que si l’on revêt les armes de la mansuétude : « Les doux, dit le prophète, possèderont la terre, » et « ils y demeurent à jamais. » (Ps 36, 11.29)

Puis, il nous enseigne, dans la suite du psaume, la méthode pour conquérir cette terre : « Attends le Seigneur et garde sa voie ; il t’élèvera, et tu posséderas la terre en héritage. » (Ps 36, 34) Voici donc une vérité constante : personne n’arrive à la ferme possession de cette terre, hors ceux qui gardent les voies dures et les préceptes du Seigneur par la douceur inaltérable et la patience. Sa main les retirera de la fange des passions charnelles et les exaltera. « Les doux posséderont la terre » et non seulement ils la posséderont, mais « ils goûteront les délices d’une paix débordante. » (Ps 36,11)

Au contraire, celui qui reste sujet, dans sa chair, aux guerres de la concupiscence, ne jouira point de cette paix d’une façon stable. (…) Mais, lorsque le Seigneur, imposant silence aux guerres, l’aura délivré de tous les emportements de la chair, il parviendra à un tel état de pureté, que la confusion s’évanouira, qui lui donnait de l’horreur pour lui-même, je veux dire pour sa chair, durant qu’il en était combattu, et qu’il commencera d’y prendre ses délices, comme dans un tabernacle très pur. (…) Le mérite de sa mansuétude lui aura donné la terre en héritage, et plus encore, « il goûtera les délices d’une paix débordante. » Car il n’est pas dit : Ils goûteront les délices de la paix ; mais « d’une paix débordante ». (Ps 36,11)

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

Ce que les disciples doivent retenir du Maître

mercredi 22 mai 2024

Les apôtres se plaignaient un jour : « Maître, disaient-ils, nous avons vu un homme qui chasse les démons en votre nom, et nous l’avons empêché, parce qu’il ne va pas avec nous. » Sur l’heure, le Christ répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui n’est pas contre vous est pour vous. » (Lc 9,49-50) Mais, lorsque, à la fin des temps, ces gens diront : « Seigneur, Seigneur, n’avons-nous point prophétisé en votre nom ? chassé les démons ? et fait quantité de miracles ? » Il atteste qu’il répliquera : « Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de moi, ouvriers d’iniquité. » (cf. Mt 7,22-23) Aussi donne-t-il l’avertissement à ceux qu’il a lui-même gratifiés de la gloire des signes et des miracles, de ne point s’élever à ce propos : « Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis ; mais de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (cf. Lc 10,20)

Mais voici que l’auteur même de tous les signes et les miracles appelle ses disciples à recueillir sa doctrine ; il va manifester avec évidence ce que ses sectateurs véritables et choisis entre tous devront apprendre particulièrement de lui : « Venez, dit-il, et apprenez de moi », non pas certes à chasser les démons par la puissance du ciel, ni à guérir les lépreux, ni à rendre la lumière aux aveugles, ni à ressusciter les morts – J’opère, il est vrai, tous ces prodiges par l’entremise de quelques-uns de mes serviteurs ; néanmoins, la condition humaine ne saurait entrer en société avec Dieu pour les louanges qui lui sont dues ; le ministre et l’esclave ne peut prendre une part où toute la gloire appartient à la seule divinité – ; mais vous, dit-il, « apprenez de moi » ceci, « que je suis doux et humble de cœur. » (Mt 11,28-29)

Voilà, en effet, ce qu’il est possible à tous communément d’apprendre et de pratiquer. Mais de faire des signes et des miracles, cela n’est pas toujours nécessaire, ni avantageux à tous, et n’est pas accordé non plus universellement.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

La crainte d’amour

dimanche 5 mai 2024

Fondé dans la perfection de la charité, on s’élèvera à un degré plus excellent encore et plus sublime, qui est la crainte d’amour. Celle-ci ne naît pas de la frayeur du châtiment ni du désir de la récompense, mais de la grandeur même de l’amour. C’est ce mélange de respect et d’affection attentive qu’un fils a pour un père plein d’indulgence, le frère pour son frère, l’ami pour son ami, l’épouse pour son époux. Elle n’appréhende ni coups ni reproches ; ce qu’elle redoute, c’est de blesser l’amour de la blessure même la plus légère. (…)

Ainsi, la distance est considérable entre la crainte à quoi rien ne manque, trésor de la sagesse et de la science, et la crainte imparfaite. Celle-ci n’est que « le commencement de la sagesse » (Ps 110,10) et, impliquant un châtiment, se voit bannir du cœur des parfaits, lorsque survient la plénitude de la charité : car « il n’y a point de crainte dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte. » (1 Jn 4,18) De fait, si le commencement de la sagesse est dans la crainte, où sera sa perfection, si ce n’est dans la charité du Christ, laquelle comprend en soi la crainte de dilection parfaite, et mérite pour ce fait d’être appelée, non plus le commencement, mais le trésor de la sagesse et de la science ? (…)

Telle est la crainte des parfaits dont il est dit que fut remplit l’Homme-Dieu, qui n’est pas venu seulement pour nous racheter, mais devait aussi nous donner dans sa personne le type de la perfection et l’exemple des vertus.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

Je suis pauvre, mendiant, mais Dieu est mon soutien !

samedi 18 novembre 2023

« Le pauvre et l’indigent loueront le nom du Seigneur. » (Ps 73,21) De fait, quelle pauvreté ou plus grande ou plus sainte, que celle d’un homme qui se sait dépourvu de tout moyen et sans force aucune, et sollicite de la largesse d’autrui le secours dont il a besoin chaque jour ; qui voit que sa vie et son être ne se soutiennent à tout instant qui passe que par la divine assistance, et se proclame à juste titre le vrai mendiant du Seigneur, en criant vers lui tous les jours d’une voix suppliante : « Pour moi, je suis un pauvre, un mendiant ; mais Dieu est mon soutien » ? Aussi Dieu lui-même l’éclairera-t-il de sa lumière, pour le faire monter à la science multiforme de son Être ; et il se rassasiera de la vue des mystères les plus sublimes et les plus cachés, selon ce que dit le prophète : « Les hérissons trouvent un refuge au creux des rochers. » (Ps 103,18 Vg)

Ce texte convient bien à l’idée que nous exprimons. Quiconque persévère dans l’innocence et la simplicité, ne nuit et n’est à charge à personne. Content de sa simplicité et d’elle seule, il ne désire rien de plus qu’un abri qui le préserve de devenir la proie de ses ennemis. Il est devenu comme un hérisson spirituel, qui trouve asile et protection sous la pierre dont parle l’Évangile ; c’est-à dire que, protégé par le souvenir de la passion du Seigneur et la méditation incessante (…), il échappe à toutes les embûches et à toutes les attaques de l’ennemi. Ce sont ces hérissons spirituels dont il est dit au livre des Proverbes : « Les hérissons espèces faibles, font leur nids dans les rochers. » (Pr 30,26 LXX) Qu’y a-t-il, en effet, de moins fort qu’un chrétien, quoi de plus infirme qu’un moine ?

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

 

Les paroles salutaires qui réjouissent le cœur de l’homme

samedi 14 octobre 2023

L’esprit humain ne saurait demeurer vide de pensées. S’il ne s’occupe des choses de Dieu, il reste fatalement engagé dans ce qu’il a précédemment appris ; tant qu’il n’a pas où revenir à tout moment et exercer son infatigable activité, une pente irrésistible l’entraîne vers les sujets dont il fut imbu dès la première enfance. (…)

Recueillies avec empressement, soigneusement déposées et étiquetées dans les retraites de l’âme, munies du cachet du silence, il en sera des paroles salutaires comme de vins au parfum suave, qui réjouissent le cœur de l’homme. Mûries par de longues réflexions et dans les lenteurs de la patience, vous les verserez du réceptacle de votre poitrine avec des flots de senteurs embaumés ; telle une fontaine sans cesse jaillissante, elles surabonderont des conduits de l’expérience et des canaux inondants des vertus ; elles sourdront de votre cœur, comme d’un abîme, en fleuves intarissables.

Il arrivera de vous, en effet, ce qui est dit dans les Proverbes à l’homme pour qui toutes ces choses sont devenues des réalités : « Bois l’eau de tes citernes et de la source de tes puits. » (Pr 5, 15 LXX) Selon la parole du prophète Isaïe, « vous serez comme un jardin bien arrosé, comme une source d’eau qui jamais ne tarit. Les lieux déserts depuis des siècles seront pour vous bâtis ; vous relèverez les fondements posés de génération en génération. » (Is 58, 11-12) La béatitude promise par le même prophète vous sera donnée en partage : « Le Seigneur ne fera plus s’éloigner de toi ton maître, et tes yeux verront ton précepteur. Tes oreilles entendront la voix de celui qui t’avertira, criant derrière toi : Voici le chemin ; marchez-y ; ne vous en détournez ni à droite ni à gauche. » (Is 30, 20-21)

Et, de la sorte, il se fera que non seulement toute la direction de votre cœur et son étude, mais les écarts mêmes de vos pensées et leur vagabondage incertain ne seront plus qu’une sainte et incessante méditation de la loi divine.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

 

 

 

 

D’où viennent les puissance ennemies ?

vendredi 13 octobre 2023

D’où vient une si grande variété et cette diversité de puissances ennemies, dressées contre l’homme, que le bienheureux Apôtre énumère comme il suit : « Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les chefs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l’air » (Eph 6,12) (…). D’où ont surgi pour nous ces adversaires jaloux et d’une si grande malice ? Faut-il croire que le Seigneur ait créé ces puissances, à dessein précisément qu’elles fissent la guerre aux hommes, avec cette diversité dans la dignité et le rang ? (…)

Dieu nous garde de professer jamais qu’il ait rien créé de substantiellement mauvais, lorsque l’Écriture nous dit : « Tout ce que Dieu avait fait était très bon ! » (Gn 1,31) (…) Avant qu’il fondât le monde visible, Dieu fit les vertus spirituelles et célestes, afin que, connaissant qu’elles avaient été produites de rien pour une telle gloire et béatitude par un pur bienfait du créateur, elles lui en rendissent de perpétuelles action de grâces et fussent adonnées sans cesse à le louer. Ceci ne fait doute pour personne parmi les chrétiens. (…)

De leur nombre plusieurs tombèrent qui avaient tenu les premiers rangs : (…) « Cependant, vous mourrez comme de hommes, et vous tomberez comme l’un des princes » (Ps 81(82),7). (…) La jalousie du démon, qui le poussa à tromper l’homme par ses artifices, a sa cause dans sa chute : il voyait appelé à la gloire qui avait été la sienne, lorsqu’il il était l’un des princes, et dont il se souvenait d’être déchu, l’homme qui venait d’être formé du limon de la terre. Sa première faute a donc été une faute d’orgueil, et c’est elle qui lui a valu sa déchéance et le nom de serpent.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)

Fête de saint Matthieu, apôtre et évangéliste

jeudi 21 septembre 2023

Grandes en vérité, et merveilleuses, et inconnues profondément aux hommes, si ce n’est à ceux qui en ont fait l’expérience, sont les largesses que Dieu, en sa libéralité ineffable, accorde à ses fidèles, même durant qu’ils demeurent en ce vase de corruption. (…) Qui ne s’étonnerait devant les œuvres de Dieu et ne s’écrirait du fond de son cœur : « J’ai connu que le Seigneur est grand » (Ps 134,5 Vg), lorsqu’il se voit lui-même, ou quelque autre, passé de l’extrême cupidité à la libéralité, de la prodigalité à une vie d’abstinence, de la superbe à l’humilité (…) ? Ce sont là en vérité les divines merveilles que l’âme du prophète et celles qui lui ressemblent, découvrent avec étonnement dans une contemplation pleine de miracles.

Car quel plus grand prodige, que de voir en un bref moment les publicains cupides devenir apôtres, les persécuteurs farouches se changer en prédicateurs de l’Évangile prêts à tout subir, et propager au prix de leur sang la foi qu’ils poursuivaient ? Tels sont les divins ouvrages que le Fils atteste qu’il accomplit chaque jour, en union avec son Père : « Mon Père agit jusqu’aujourd’hui, et moi aussi j’agis. » (Jn 5,17) Telles sont les œuvres de Dieu que le bienheureux David chante en Esprit : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui seul fait des prodiges ! » (Ps 71,18 Vg) C’est d’elles que parle le prophète Amos : « Il a fait toutes choses, et il les change ; il change en matin l’ombre de la mort. » (Am 5,8 LXX) « Ce sont là, en effet, les changements de la droite du Très-Haut. » (Ps 76,11 Vg) C’est au sujet de cet ouvrage de salut que le prophète adresse au Seigneur cette prière : « Affermissez, ô Dieu, ce que vous avez fait en nous ! » (Ps 67,29 Vg) (…)

Oui, c’est bien là le grand miracle de Dieu, qu’un homme de chair ait rejeté tout penchant charnel, que, parmi tant de circonstances diverses, tant d’assauts qui lui sont livrés, il garde son âme dans la même disposition, et demeure immobile au milieu du flux incessant des évènements.

Saint Jean Cassien (v. 360-435)