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Archive pour le mot-clef ‘Bienheureux Guerric d’Igny’

Épiphanie du Seigneur, Solennité

dimanche 8 janvier 2023

« Lève-toi, resplendis, Jérusalem, car elle est venue, ta lumière ! » (Is 60,1) Sois bénie, Lumière « venue au nom du Seigneur » ! « Le Seigneur est Dieu et il a brillé sur nous » (Ps 117,26-27). Par sa bienveillance, ce jour sanctifié par l’illumination de l’Église a brillé sur nous. C’est pourquoi nous te rendons grâce, « Lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde » (Jn 1,9), et qui, pour cela précisément, es venue dans le monde en prenant une forme humaine. Elle resplendit Jérusalem, notre mère (Ga 4,26), mère de tous ceux qui ont mérité d’être illuminés ; elle éclaire désormais tous ceux qui sont dans le monde. Nous te rendons grâce, Lumière véritable : tu t’es faite lampe pour éclairer Jérusalem et pour que le Verbe, la Parole de Dieu, devienne « la lampe de mes pas » (Ps 118,105)… Et elle n’a pas seulement été illuminée, elle a été « élevée sur un lampadaire », tout en or massif (Mt 5,15; Ex 25,31). La voilà devenue « la ville située au sommet des montagnes » (Mt 5,14)…pour que son Évangile brille aussi loin que s’étendent les empires du monde…

Dieu, toi qui illumines toutes les nations, pour toi nous avons chanté : « Le Seigneur va venir, il illuminera les yeux de ses serviteurs ». Maintenant tu es venue, ô ma Lumière : « Illumine mes yeux, pour que je ne m’endorme jamais dans la mort » (Ps 12,4)… Tu es venue, Lumière des croyants, et aujourd’hui tu nous as donné la joie d’être illuminés par la foi, qui est notre lampe. Donne-nous aussi toujours la joie de voir s’éclairer ce qui reste en nous de ténèbres…

Voilà la route qu’il faut prendre, âme fidèle, pour parvenir à la patrie où « les ténèbres seront comme midi » (Is 58,10) et « la nuit sera claire comme le jour » (Ps 138,12). Alors « tu verras et tu seras radieuse, ton cœur s’émerveillera et se dilatera », lorsque toute la terre sera remplie de la majesté de la lumière infinie et que « sa gloire sera manifestée en toi » (Is 60,5.2)… « Venez, marchons à la lumière du Seigneur ! » (Is 2,5) Alors « en fils de lumière » nous marcherons « de clarté en clarté, comme conduits par le Seigneur qui est Esprit » (2Co 3,18).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici que la jeune femme est enceinte. »

mardi 20 décembre 2022

« Le Seigneur s’adressa à Acaz et lui dit : ‘Demande pour toi un signe.’ Acaz répondit : ‘Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve’ » (Is 7,10-12). (…) Eh bien, ce signe refusé (…) nous l’accueillons, nous, avec une foi entière et un respect plein d’amour. Nous reconnaissons que le Fils conçu par la Vierge est pour nous, « dans les profondeurs » de l’enfer, signe de pardon et de liberté, et qu’il est pour nous, « dans les hauteurs des cieux », signe et espérance d’exultation et de gloire. (…) Ce signe, désormais, le Seigneur l’a élevé, d’abord sur le gibet de la croix, puis sur son trône royal; (…).

Oui, c’est un signe pour nous que cette mère vierge qui conçoit et enfante : signe qu’il est Dieu, cet homme conçu et enfanté. Ce Fils qui accomplit des œuvres divines et endure des souffrances humaines est pour nous le signe qu’il mènera jusqu’à Dieu ces hommes pour lesquels il est conçu et enfanté, pour lesquels aussi il souffre.

Et de toutes les infirmités et disgrâces humaines que ce Dieu a daigné endurer pour nous, la première dans le temps, comme la plus grande dans l’abaissement, je le crois, a été sans doute que cette Majesté infinie ait supporté d’être conçue dans le sein d’une femme et d’y être enfermée pendant neuf mois. Où a-t-elle été jamais si totalement anéantie ? Quand l’a-t-on vue se dépouiller d’elle-même à ce point ? Durant un si long temps, cette Sagesse ne dit rien, cette Puissance n’opère rien de visible, cette Majesté cachée ne se révèle par aucun signe. Sur la croix même, le Christ n’a point paru aussi faible. (…) Dans le sein, au contraire, il est comme s’il n’était pas ; sa toute-puissance est inopérante, comme si elle ne pouvait rien ; et le Verbe éternel s’enfouit sous le silence.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

L’attente des nations

samedi 17 décembre 2022

Ô attente des nations ! (Gn 49,10 Vulg) Ils ne seront pas confondus, tous ceux qui t’attendent. Nos pères t’ont attendu, tous les justes depuis l’origine du monde ont espéré en toi, et tu ne les a pas déçus (cf Ps 21,5). (…)

Mais l’Église, qui dans les justes d’autrefois a attendu le premier avènement [du Christ], attend pareillement le second dans les justes de la Nouvelle Alliance. Comme elle était certaine de voir acquitté, par le premier, le prix de la rédemption, elle est également sûre que le second lui apportera le fruit de la rémunération. Suspendue par cette attente et cet espoir au-dessus des choses de la terre, l’Église aspire avec autant de joie que d’ardeur aux biens éternels.

Alors que d’autres se hâtent de chercher leur bonheur ici-bas et, sans attendre que s’accomplisse le dessein du Seigneur, se précipitent pour s’emparer du butin que leur offre ce monde, l’homme bienheureux qui a mis son espoir dans le Seigneur et qui n’a pas attaché son regard aux choses vaines et à ce qui trompe (Ps 39,5) se tient à l’écart de leurs voies, (…), car il sait qu’il vaut mieux être humilié avec les doux que de partager les dépouilles avec les orgueilleux. Pour se consoler, il se dit : « ‘Ma part, c’est le Seigneur ; c’est pourquoi je l’attendrai. Le Seigneur est bon pour ceux qui espèrent en lui, pour l’âme qui le cherche. Il est bon d’attendre dans le silence le salut de Dieu.’ Seigneur, ‘mon âme, il est vrai, défaille dans l’attente de ton salut, mais je déborde d’espérance en ta parole’ » (Lm 3,24-26; Ps 118,81 Vulg). (…) Je suis certain « qu’il apparaîtra à la fin et ne nous décevra pas » ; c’est pourquoi « même s’il se fait attendre, je l’attendrai, car il viendra sans aucun doute » (cf Ha 2,3).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Jean a rendu témoignage à la vérité…; il était la lampe qui brûle et qui éclaire. » (Jn 5,35)

mardi 13 décembre 2022

Cette lampe destinée à éclairer le monde m’apporte une joie nouvelle, car c’est grâce à elle que j’ai reconnu la vraie Lumière qui luit dans les ténèbres, mais que les ténèbres n’ont pas reçue (Jn 1,5). (…) Nous pouvons t’admirer, Jean, toi le plus grand de tous les saints ; mais imiter ta sainteté, cela nous est impossible. Puisque tu te hâtes de préparer un peuple parfait pour le Seigneur avec des publicains et des pécheurs, il est de toute urgence que tu leur parles d’une façon plus à leur portée que par ta vie. Propose-leur un modèle de perfection qui soit non pas selon ta manière de vivre, mais adapté à la faiblesse des forces humaines.

« Produisez, dit-il, de dignes fruits de pénitence » (Mt 3,8). Mais nous, frères, nous nous glorifions de parler mieux que nous vivons. Jean lui, dont la vie est plus sublime que ce que les hommes peuvent comprendre, met cependant son langage à la portée de leur intelligence : « Faites, dit-il, de dignes fruits de pénitence ! » « Je vous parle de manière humaine, en raison de la faiblesse de la chair. Si vous ne pouvez pas encore faire le bien en plénitude, que se trouve en vous au moins un vrai repentir de ce qui est mal. Si vous ne pouvez pas encore produire les fruits d’une justice parfaite, que pour le moment votre perfection consiste à produire de dignes fruits de pénitence. »

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« C’est à l’heure où vous n’y penserez pas, que le Fils de l’homme viendra. »

dimanche 27 novembre 2022

En vérité, mes frères, c’est dans l’exultation de l’esprit qu’il faut aller à la rencontre du Christ qui vient. (…) Que notre esprit se lève donc dans un transport de joie et s’élance au-devant de son Sauveur (…). Je pense, en effet, que nous sommes invités en tant de passages des Écritures à aller à sa rencontre pas seulement à propos du second avènement, mais même à propos du premier. (…)

Avant même son avènement, donc, que le Seigneur vienne à vous ; avant d’apparaître au monde entier, qu’il vienne vous visiter familièrement, lui qui a dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens vers vous » (Jn 14,18). Car en cette période intermédiaire entre son premier et son dernier avènement il y a un avènement du Seigneur fréquent et familier, selon le mérite et la ferveur de chacun, qui nous forme selon le premier et nous prépare au dernier. (…) Par son avènement actuel il travaille à réformer notre orgueil, à nous rendre semblables à cette humilité qu’il a montrée dans son premier avènement, et à refaçonner « notre corps de misère à l’image de son corps glorieux » (Ph 3,21) qu’il nous montrera quand il reviendra. C’est pourquoi il nous faut désirer de tous nos vœux et demander avec ferveur cet avènement familier, qui nous donne la grâce du premier avènement et nous promet la gloire du dernier. (…)

Le premier avènement a été humble et caché ; le dernier sera manifeste et admirable. Celui dont je parle est caché, mais il est également admirable ; je le dis caché, non qu’il soit ignoré de celui à qui il arrive, mais parce qu’il advient secrètement en lui. (…) Il arrive sans être vu et il s’éloigne sans qu’on s’en aperçoive. Sa seule présence est pour l’âme et l’esprit une lumière qui fait voir l’invisible et connaître l’inconnaissable. (…) Cet avènement du Seigneur jette l’âme de celui qui le contemple dans une douce et heureuse admiration ; de son tréfonds jaillit ce cri : « Seigneur, qui est semblable à toi ? » (Ps 34,10). Ceux qui l’ont éprouvé le savent. Plaise à Dieu que ceux qui ne l’ont pas éprouvé en éprouvent le désir !

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Comme vous n’êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. » (1Th 5,4)

mercredi 19 octobre 2022

« Israël, sois prêt à marcher à la rencontre du Seigneur, car il vient » (cf Am 4,12). Et vous aussi, mes frères, « soyez prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas ». Rien de plus sûr que sa venue, mais rien de plus incertain que le moment de cette venue. En effet, il nous appartient si peu de connaître les temps ou les moments que le Père, en sa puissance, a fixés, qu’il n’est même pas donné aux anges qui l’entourent d’en savoir le jour ni l’heure (Ac 1,7; Mt 24,36).

Notre dernier jour aussi viendra, c’est chose très certaine ; mais quand, où et comment, cela nous est très incertain ; nous savons seulement, comme on l’a dit avant nous, que « vis-à-vis des vieillards il se tient sur le seuil, tandis que vis-à-vis des jeunes gens il se tient à l’affût » (S. Bernard)… Il ne faudrait pas que ce jour nous saisisse à l’improviste, non préparés, comme un voleur pendant la nuit… Que la crainte, demeurant en éveil, nous rende toujours prêts, jusqu’à ce que la sécurité succède à la crainte, et non la crainte à la sécurité. « Je serai vigilant, dit le Sage, afin de me préserver du péché » (Ps 17,24), ne pouvant pas me préserver de la mort. Il sait, en effet, que « le juste, surpris par la mort, trouvera le repos » (Sg 4,7) ; bien plus, ils triomphent de la mort, ceux qui n’ont pas été esclaves du péché pendant leur vie. Que c’est beau, mes frères, quel bonheur, non seulement d’être en sécurité devant la mort, mais encore d’en triompher avec gloire, fort du témoignage de sa conscience.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

Notre Dame des Douleurs

jeudi 15 septembre 2022

Marie a engendré un fils ; et comme celui-ci est le Fils unique du Père dans les cieux, il est le fils unique de sa mère sur la terre. (…) Cependant cette seule vierge mère, qui a eu la gloire de mettre au monde le Fils unique de Dieu embrasse ce même Fils dans tous les membres de son Corps et ne rougit pas d’être appelée la mère de tous ceux en qui elle reconnaît le Christ déjà formé ou sur le point de l’être. Ève, qui jadis a légué à ses enfants la condamnation à mort avant même qu’ils aient vu le jour, a été appelée « la mère des vivants » (Gn 3,20). (…) Mais puisqu’elle n’a pas répondu au sens de son nom, c’est Marie qui en a réalisé le mystère. Comme l’Église dont elle est le symbole, elle est la mère de tous ceux qui sont renés à la vie. Elle est vraiment la mère de la Vie qui fait vivre tous les hommes ; et en l’engendrant elle a en quelque sorte régénéré tous ceux qui allaient en vivre. (…)

Cette bienheureuse mère du Christ, qui se sait mère des chrétiens en raison de ce mystère, se montre aussi leur mère par le soin qu’elle prend d’eux et l’affection qu’elle leur témoigne. Elle n’est pas dure envers eux comme s’ils n’étaient pas à elle. Ses entrailles fécondées une seule fois, mais non pas épuisées, ne cessent d’enfanter le fruit de la bonté. « Le fruit béni de ton sein » (Lc 1,42), douce mère, t’a laissée toute remplie d’une bonté inépuisable : né de toi une seule fois, il demeure toujours en toi.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

Fête de la Nativité de la Vierge Marie

jeudi 8 septembre 2022

Aujourd’hui, nous célébrons la naissance de la bienheureuse Vierge Mère, de qui a reçu naissance Celui qui est la vie de tous. Aujourd’hui est née la Vierge de qui le salut de tous a voulu naître, afin de donner à ceux qui naissaient pour mourir de pouvoir renaître à la vie. Aujourd’hui est née notre nouvelle mère, qui a anéanti la malédiction d’Ève, notre première mère. Ainsi par elle, nous héritons maintenant de la bénédiction, nous qui, par notre première mère, étions nés sous l’antique malédiction. Oui, elle est bien une mère nouvelle, celle qui a renouvelé en jeunesse des fils vieillis, celle qui a guéri le mal d’un vieillissement héréditaire, ainsi que de toutes les autres formes de vieillissement qu’ils y avaient ajoutées. Oui, elle est bien une mère nouvelle, celle qui enfante par un prodige si nouveau, en restant vierge, celle qui met au monde celui qui a créé le monde…

Quelle nouveauté merveilleuse que cette virginité féconde ! Mais bien plus merveilleuse encore la nouveauté du fruit qu’elle met au monde… Tu demandes comment une vierge a enfanté le Sauveur ? Comme la fleur de la vigne répand son parfum. Longtemps avant la naissance de Marie, l’Esprit qui allait habiter en elle…avait dit en son nom : « Comme la vigne, j’ai produit une douce odeur » (Si 24,17 Vulg)… Comme la fleur n’est pas altérée pour avoir donné son parfum, ainsi la pureté de Marie pour avoir donné naissance au Sauveur…

Et pour toi aussi, si tu gardes la perfection de la chasteté, non seulement « ta chair refleurira » (Ps 27,7), mais une sainteté venant de Dieu s’épanouira sur toi tout entier. Ton regard ne sera plus déréglé ou égaré, mais embelli par la pudeur…; toute ta personne sera ornée par les fleurs de la grâce de la pureté.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux subit la violence. »

jeudi 9 décembre 2021

« Quelqu’un lutta avec Jacob jusqu’au lever du jour…, et Jacob lui dit : ‘ Je ne te lâcherai pas avant que tu m’aies béni ‘ » (Gn 32,25.27) Pour vous, mes frères, qui avez entrepris d’enlever le ciel d’assaut et qui avez engagé la lutte avec l’ange chargé de garder l’accès de l’arbre de vie (Gn 3,24), pour vous il est absolument nécessaire de lutter avec constance et ténacité…, non seulement jusqu’à la paralysie de votre hanche…, mais jusqu’à la mort de votre être charnel. Toutefois, votre ascèse ne pourra y parvenir que si la puissance divine vous touche et vous en fait la grâce…

Ne te semble-t-il pas lutter avec l’ange ou plutôt avec Dieu lui-même, lorsque, chaque jour, il se met en travers de tes désirs les plus fougueux ?… Tu cries vers lui et il ne t’écoute pas. Tu veux t’approcher de lui, et il te repousse. Tu décides quelque chose, et il fait arriver le contraire. Ainsi, sur presque tous les plans, il te combat d’une main rude. Ô bonté cachée, déguisée en dureté, avec quelle tendresse, Seigneur, tu combats ceux pour qui tu combats ! Tu as beau « le cacher dans ton cœur », « je sais bien que tu aimes ceux qui t’aiment », et que « l’abondance de la bonté que tu tiens en réserve pour ceux qui te craignent » est sans limites (Jb 10,13; Pr 8,17; Ps 30,20).

Alors, frère, ne désespère pas, agis courageusement, toi qui as entrepris de lutter avec Dieu ! A vrai dire, il aime que tu lui fasses violence, il désire que tu l’emportes sur lui. Même quand il est irrité et qu’il étend le bras pour frapper, il cherche, comme il le dit lui-même, un homme semblable à Moïse qui sache lui résister… Jérémie, lui, a bien tenté de lui résister, mais il n’a pas pu retenir sa colère implacable, sa sentence inflexible ; c’est pourquoi il a fondu en larmes en disant : « Tu as été plus fort que moi, et tu l’as emporté » (20,7).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

La grandeur de Jean le Baptiste

samedi 31 juillet 2021

Ce qui a fait la grandeur de Jean, ce qui l’a rendu si grand entre les grands, c’est qu’il a mis le comble à ses vertus (…) en y ajoutant la plus grande de toutes, l’humilité. Alors qu’on le considérait comme le plus élevé de tous, il a mis au-dessus de lui, spontanément et avec l’empressement de l’amour, Celui qui est le plus humble de tous, et même tellement au-dessus de lui qu’il se déclare indigne de lui enlever ses sandales (Mt 3,11).

Que d’autres donc s’émerveillent de ce que Jean ait été prédit par les prophètes, annoncé par un ange (…), né de parents si saints et si nobles, quoique âgés et stériles (…), qu’il ait préparé la voie du Rédempteur dans le désert, qu’il ait ramené les cœurs des pères vers les fils et ceux des fils vers les pères (Lc 1,17), qu’il ait été jugé digne de baptiser le Fils, d’entendre le Père, de voir le Saint Esprit (Lc 3,22), qu’enfin, il ait combattu jusqu’à la mort pour la vérité et que, pour être précurseur du Christ jusque dans le séjour des morts, il ait été martyr du Christ avant sa Passion. Que d’autres s’émerveillent de tout cela (…)

Quant à nous, mes frères, c’est son humilité qui nous est proposée comme objet non seulement d’admiration, mais aussi d’imitation. Elle l’a incité à ne pas vouloir passer pour grand, alors qu’il le pouvait. (…) En effet, ce fidèle « ami de l’Époux » (Jn 3,29), qui aimait son Seigneur plus que lui-même, souhaitait « diminuer » pour que « lui il grandisse » (v. 30). Il s’efforçait d’augmenter la gloire du Christ en se faisant lui-même plus petit, exprimant par toute sa conduite ce que dirait l’apôtre Paul : « Ce n’est pas nous-mêmes que nous prêchons, mais le Seigneur Jésus Christ » (2Co 4,5).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)