De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments et de ses affections, l’amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d’égal à égal, du moins de semblable à semblable… L’amour de l’Époux, ou plutôt l’Époux qui est Amour ne demande qu’amour réciproque et fidélité. Qu’il soit donc permis à l’épouse d’aimer en retour. Comment n’aimerait-elle pas, puisqu’elle est épouse et l’épouse de l’Amour ? Comment l’Amour ne serait-il pas aimé ? Elle a donc raison de renoncer à toute autre affection pour s’adonner au seul amour, puisqu’il lui est donné de répondre à l’Amour par un amour réciproque.
Mais, même si elle fond tout entière en amour, que serait-ce en comparaison avec le torrent d’amour éternel qui jaillit de la source même ? Le flot ne coule pas avec la même abondance de celle qui aime et de l’Amour, de l’âme et du Verbe, de l’épouse et de l’Époux, de la créature et du Créateur ; il n’y a pas la même abondance dans la fontaine et dans celui qui vient boire… Les soupirs donc de l’épouse, sa ferveur amoureuse, son attente pleine de confiance, tout cela sera-t-il en vain parce qu’elle ne peut rivaliser à la course avec un champion (Ps 18,6), se vouloir aussi douce que le miel lui-même, aussi tendre que l’agneau, blanche à l’égal du lis, lumineuse comme le soleil, et l’égale en amour de celui qui est l’Amour ? Non. Car, s’il est vrai que la créature, dans la mesure où elle est inférieure au Créateur, aime moins que lui, elle peut encore l’aimer de tout son être, et rien ne manque là où il y a totalité…
C’est là l’amour pur et désintéressé, l’amour le plus délicat, aussi paisible que sincère, mutuel, intime, fort, qui réunit les deux amants non pas en une seule chair mais en un seul esprit, de sorte qu’ils ne soient plus deux mais un, selon saint Paul : « Qui s’attache à Dieu est avec lui un même esprit » (1Co 6,17).