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Archive pour le mot-clef ‘Bienheureux Guerric d’Igny’

« Ceux-là entendent la Parole, ils l’accueillent, et ils portent du fruit. »

mercredi 27 janvier 2021

Assurément, c’est « une parole sûre et qui mérite d’être accueillie sans réserve » (1Tm 1,15) que ta Parole toute-puissante, Seigneur ! Descendue en une telle profondeur de silence du haut des demeures royales du Père (Sg 18,14s) jusque dans une mangeoire d’animaux, elle nous parle mieux pour l’instant par son silence. « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende » ce que nous dit ce saint et mystérieux silence du Verbe éternel (…).

Y a-t-il rien, en effet, qui inculque la règle du silence avec autant de poids et d’autorité, rien qui réprime le mal inquiet de la langue et les tempêtes de la parole (…), que la Parole de Dieu silencieuse parmi les hommes ? « La parole n’est pas encore sur ma langue » (Ps 138,4) semble proclamer la Parole toute-puissante lorsqu’elle se soumet à sa mère. Et nous, avec quelle démence nous disons : « Nous vanterons notre langue, nous avons pour nous nos lèvres, qui sera notre maître ? » (Ps 11,5) Il me plairait, si cela m’était permis, de garder le silence, de m’effacer et de me taire, même à propos du bien, pour pouvoir prêter une oreille plus attentive et diligente aux mots secrets et aux significations sacrées de ce divin silence ! Je voudrais ainsi passer en silence, à m’instruire à l’école du Verbe, au moins autant de temps que le Verbe lui-même en passa à recevoir en silence l’éducation maternelle ! (…)

« Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous » (Jn 1,14). Pensons donc avec toute notre dévotion, au Christ enveloppé des langes dont sa mère l’a couvert, afin de voir, dans la joie éternelle du Royaume, la gloire et la beauté dont son Père l’aura revêtu.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Aplanissez le chemin du Seigneur. »

samedi 2 janvier 2021

« Préparez le chemin du Seigneur. » Frères, même si vous vous êtes beaucoup avancés sur ce chemin, il vous reste toujours à le préparer, afin que, du point où vous êtes parvenus, vous alliez toujours de l’avant, toujours tendus vers ce qui est au-delà. Ainsi, à chaque pas que vous faites, la voie étant préparée pour son avènement, le Seigneur viendra au-devant de vous, toujours nouveau, toujours plus grand. C’est donc avec raison que le juste prie ainsi : « Enseigne-moi le chemin de tes volontés et je le chercherai toujours » (Ps 118,33). Et on appelle cette voie « chemin d’éternité » (Ps 138,24), (…) parce que la bonté de celui vers qui nous nous avançons n’a pas de limite.

C’est pourquoi le voyageur sage et décidé, même arrivé au terme, pensera à commencer ; « oubliant ce qui est derrière lui » (Ph 3,13), il se dira chaque jour : « Maintenant, je commence » (Ps 76,11 Vulg. (…) Nous qui parlons d’avancer sur ce chemin, que Dieu fasse qu’au moins nous nous soyons mis en route ! À mon sens, quiconque s’est mis en route est déjà sur la bonne voie. Il faut toutefois vraiment commencer, trouver « le chemin de la Ville habitée » (Ps 106,4). Car « ils sont peu nombreux ceux qui le trouvent », dit la Vérité (Mt 7,14) ; ils sont nombreux « ceux qui errent dans les solitudes » (Ps 106,4). (…)

Et toi, Seigneur, tu nous as préparé un chemin, si seulement nous consentons à nous y engager. (…) Par ta Loi, tu nous as enseigné le chemin de tes volontés en disant : « Voici le chemin, suivez-le sans vous égarer à droite ou à gauche » (Is 30,21). C’est le chemin que le prophète avait promis : « Il y aura une route droite et les insensés ne s’y égareront pas » (Is 35,8). (…) Je n’ai jamais vu un insensé s’égarer en suivant ton chemin, Seigneur (…) ; mais malheur à vous qui êtes sages à vos propres yeux (Is 5,21), votre sagesse vous a éloignés du chemin du salut et ne vous a pas permis de suivre la folie du Sauveur. (…) Folie désirable, qui sera appelée sagesse au jugement de Dieu, et qui ne nous laisse pas nous égarer hors de son chemin.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

Se convertir aux appels de Jean Baptiste, qui prépare la voie du Seigneur

mardi 15 décembre 2020

C’est une joie pour moi, frères, d’évoquer avec vous cette voie du Seigneur (…) dont Isaïe fait un si bel éloge : « Il y aura (…) dans la terre aride et déserte, un chemin et une route (…) Cette route sera appelée voie sacrée » (Is 35,7-8), parce qu’elle est la sanctification des pécheurs et le salut de ceux qui sont perdus. (…)

« Aucun impur n’y passera. » Cher Isaïe, ceux qui sont impurs passeront donc par une autre voie ? Ah non ! Que tous viennent plutôt à cette route-ci, qu’ils y avancent ! C’est surtout pour les impurs que le Christ l’a tracée, lui qui « est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10). (…) Alors l’impur va passer par la voie sacrée ? À Dieu ne plaise ! Aussi souillé qu’il soit en l’abordant, il ne le sera plus quand il y passera ; car dès qu’il y aura mis le pied, sa souillure disparaîtra. La voie sacrée, en effet, est ouverte à l’homme impur, mais dès qu’elle l’accueille, elle le purifie en effaçant tout le mal qu’il a commis. (…) Elle ne le laisse pas passer avec sa souillure, car elle est la « voie resserrée » et pour ainsi dire, le « trou d’aiguille » (Mt 7,14 ; 19,24). (…)

Si donc tu es déjà sur la route, ne t’en écarte pas ; sinon, le Seigneur te laisserait « errer dans la voie de ton propre cœur » (Is 57,17). (…) Si tu trouves la route trop étroite, considère le terme où elle te conduit. (…) Mais si ton regard ne va pas jusque-là, fais confiance à Isaïe, le voyant. Lui qui distinguait à la fois l’étroitesse et le terme de la route, il ajoutait : « Sur ce chemin marcheront les libérés, les rachetés du Seigneur ; ils arriveront à Sion avec des clameurs de joie. Un bonheur sans fin transfigurera leur visage. Ils obtiendront allégresse et joie. Douleurs et plainte prendront la fuite » (35,9-10).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

« Sachez que le royaume de Dieu est proche. »

vendredi 27 novembre 2020

« Nous attendons le Sauveur » (liturgie latine; cf Ph 3,20). Vraiment, elle est joyeuse l’attente des justes, de ceux qui attendent « la bienheureuse espérance et l’avènement dans la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » (Tt 2,13). « Quelle est mon espérance, dit le juste, n’est-ce pas le Seigneur ? » (Ps 38,8) Puis, il se tourne vers lui et s’écrie : « Je le sais : tu ne décevras pas mon attente (Ps 118,116). En effet, mon être est déjà près de toi, puisque notre nature, assumée par toi et offerte pour nous, a déjà été glorifiée en toi. Cela nous donne l’espoir que ‘toute chair viendra à toi’ (Ps 64,3) » (…)

Pourtant, c’est avec une confiance plus grande encore qu’attendent le Seigneur ceux qui peuvent dire : « Mon être est près de toi, Seigneur, car je t’ai donné toutes mes richesses ; les quittant pour toi, j’ai ‘amassé un trésor dans le ciel’ (Mt 6,20). J’ai déposé tous mes biens à tes pieds : je sais que (…) tu me les ‘rendras au centuple avec, en plus, la vie éternelle’ » (Mc 10,30). Vous qui êtes pauvres en esprit, heureux êtes-vous ! (Mt 5,3). (…) Car le Seigneur a dit : « Là où est ton trésor, là sera ton cœur » (Mt 6,21). Que vos cœurs le suivent donc, qu’ils suivent leur trésor ! Fixez votre pensée là-haut, et que votre attente soit suspendue à Dieu, pour pouvoir dire avec l’apôtre Paul : « Notre vie est dans les cieux ; c’est de là que nous attendons le Sauveur » ( Ph 3,20).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

Jésus à table avec les pharisiens

vendredi 30 octobre 2020

Le Créateur éternel et invisible du monde, se disposant à sauver le genre humain qui se traînait au long des âges soumis aux dures lois de la mort, « dans ces temps qui sont les derniers » (He 1,2) a daigné se faire homme (…), pour racheter dans sa clémence ceux que dans sa justice il avait condamnés. Afin de montrer la profondeur de son amour pour nous, il ne s’est pas fait seulement homme, mais homme pauvre et humble, afin que, s’approchant de nous en sa pauvreté, il nous donne d’avoir part à ses richesses (2Co 8,9). Il s’est fait si pauvre pour nous qu’il n’a pas eu de lieu où reposer la tête : « Les renards ont leur tanière et les oiseaux du ciel leur nid, le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête » (Mt 8,20).

C’est pourquoi il acceptait d’aller aux repas auxquels on l’invitait, non par goût immodéré des repas, mais pour y enseigner le salut et y susciter la foi. Là, il remplissait les convives de lumière par ses miracles. Là les serviteurs, qui étaient occupés à l’intérieur, et n’avaient pas la liberté d’aller auprès de lui, entendaient la parole du salut. En effet, il ne méprisait personne, aucun n’était indigne de son amour parce « qu’il a pitié de tous ; il n’a de haine pour aucune de ses œuvres et s’occupe avec soin de chacune d’elles » (Sg 11,24).

Pour accomplir son œuvre de salut, le Seigneur entra donc dans la maison d’un notable pharisien un jour de sabbat. Les scribes et les pharisiens l’observaient pour pouvoir le reprendre, afin que, s’il guérissait l’hydropique, ils puissent l’accuser de violer la Loi et, s’il ne le guérissait pas, ils l’accusent d’impiété ou de faiblesse. (…) Par la lumière très pure de sa parole de vérité, ils voient s’évanouir toutes les ténèbres de leur mensonge

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

 

« Lumière pour éclairer les nations »

dimanche 2 février 2020

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Qui, en tenant aujourd’hui un cierge allumé en sa main, ne se rappelle pas aussitôt ce vieillard qui en ce jour a reçu en ses bras Jésus, Verbe dans la chair, lumière dans la cire, et a témoigné qu’il était la lumière qui éclaire tous les peuples ? Et le vieillard était lui-même flamme ardente qui éclaire, rendant témoignage à la lumière, lui qui, dans l’Esprit Saint dont il était rempli, est venu recevoir, ô Dieu, ton Amour au milieu de ton temple (Ps 47,10) et témoigner qu’il est l’Amour et la lumière de ton peuple…

Réjouis-toi, juste vieillard ; vois aujourd’hui ce que tu avais entrevu par avance : les ténèbres du monde sont dissipées, les nations marchent à sa lumière (Is 60,3). La terre entière est remplie de la gloire (Is 6,3) de cette lumière que tu cachais autrefois dans ton cœur et qui aujourd’hui illumine tes yeux… Embrasse, ô saint vieillard, la Sagesse de Dieu, et que ta jeunesse se renouvelle (Ps 102,5). Reçois sur ton cœur la miséricorde de Dieu, et ta vieillesse connaîtra la douceur de la miséricorde. « Il reposera sur mon sein », dit l’Écriture (Ct 1,12). Même quand je le rendrai à sa mère, il demeurera avec moi ; mon cœur sera enivré de sa miséricorde, plus encore le cœur de sa mère… Je rends grâces et je me réjouis pour toi, pleine de grâce, tu as mis au monde la miséricorde que j’ai reçue ; le cierge que tu as préparé, je le tiens en mes mains…

Et vous frères, voyez le cierge qui brûle entre les mains de Syméon, allumez vos cierges en lui empruntant sa lumière… Alors, non seulement vous porterez une lumière entre vos mains, mais vous serez vous-mêmes lumière. Lumière dans vos cœurs, lumière dans vos vies, lumière pour vous, lumière pour vos frères.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
1er Sermon pour la Purification, 2-3 (trad. Bouchet, Lectionnaire, p. 396 ; cf SC 166, p 311s)

 

« Je suis la voix qui crie à travers le désert : ‘Aplanissez le chemin du Seigneur’ »

jeudi 2 janvier 2020

« Préparez le chemin du Seigneur. » Frères, même si vous êtes très avancés sur ce chemin (…), il n’y a pas de terme à la bonté vers laquelle on progresse. C’est pourquoi le voyageur sage (…) se dira chaque jour : « Maintenant, je commence. » (…) Ils sont nombreux, « ceux qui errent dans les solitudes ! » (…)  Aucun d’entre eux ne peut dire : « Maintenant, je commence. »

« Le commencement de la sagesse, c’est la crainte du Seigneur » : si elle est le commencement de la sagesse, elle est nécessairement aussi le point de départ de la bonne route. (…) C’est elle qui provoque la confession (…).  C’est elle qui pousse l’orgueilleux au repentir et lui permet d’entendre la voix de celui qui crie dans le désert, qui ordonne de préparer le chemin, qui montre par où il faut commencer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. » (…)

Si tu es déjà sur le chemin, ne perds pas ta route, car tu offenserais le Seigneur qui t’a conduit et il te laisserait « errer dans les chemins de ton propre cœur ». (…) Si ton chemin te paraît resserré, regarde le terme auquel il te conduit. Si tu vois ainsi le bout de toute perfection, tu diras tout de suite : « Qu’ils sont larges tes ordres ! » Si ton regard ne va pas jusque-là, crois au moins ce que dit Isaïe (…) : « Ils marcheront par ce chemin, les captifs rachetés par le Seigneur, et ils arriveront à Jérusalem avec des cris de joie. Un bonheur sans fin illuminera leur visage, allégresse et joie les accompagneront, douleur et plainte auront pris fin. » Celui qui pense à ce terme, non seulement trouve que le chemin est large, mais encore il prendra des ailes, de sorte qu’il ne marche plus : il vole vers le but. (…) Que par là vous conduise et vous accompagne celui qui est le chemin de ceux qui courent et la récompense de ceux qui arrivent au but : le Christ Jésus !

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

(Références bibliques : Ps 76,11 Vulg; 106,4; Pr 1,72; Ps 110,10; Mt 3,2; 4,17; Is 57,17; Mt 7,14; Ps 118,96; Is 35,10; Mt 7,14; Jn 14,6)

 

« Tenez-vous prêts ! »

mercredi 23 octobre 2019

« Je déborde d’espérance en ta parole » (Ps 118,81 Vulg)… Espérant en Dieu et même débordant d’espérance, j’ajouterai espoir à espoir, même si l’épreuve s’ajoute à l’épreuve, le délai au délai. Car je suis certain « qu’il apparaîtra à la fin et ne nous trompera pas ». C’est pourquoi, « même s’il se fait attendre, je l’attendrai car il viendra sans aucun doute et ne tardera pas » (Ha 2,3 Vulg) au-delà du temps déterminé et favorable.

Quel est ce temps favorable ? Celui où sera complet le nombre de nos frères (Ap 6,11), où sera achevé le délai de miséricorde accordé pour le repentir. Écoute Isaïe (…) expliquer pourquoi le Seigneur remet le jugement : « Si le Seigneur attend, c’est pour vous faire miséricorde, car en vous épargnant il sera glorifié. Le Seigneur est un Dieu de justice ; bienheureux tous ceux qui l’attendent » (30,18). Vois donc, si tu es sage, comment employer la trêve due à ce délai. Si tu es pécheur, elle t’est donnée pour faire pénitence et non pour vivre dans la négligence ; si tu es saint, c’est pour avancer en sainteté et non pour défaillir dans la foi. Car « si le mauvais serviteur se dit en son cœur : Mon maître tarde à venir, et qu’il se met alors à frapper les autres serviteurs, à manger et à boire en compagnie des ivrognes, son maître viendra au jour qu’il n’attend pas et qu’il ignore ; il se séparera de lui et le mettra parmi les infidèles. » (…)

Oui, attendre vraiment le Seigneur, c’est garder notre foi en lui et, même si nous sommes privés de la consolation de sa présence, ne pas suivre le séducteur, mais demeurer suspendu à son retour. C’est bien ce que dit encore le Seigneur par le prophète : « Mon peuple sera suspendu à mon retour » (Os 11,7 Vulg). « Suspendu », expression belle et exacte, qui signifie qu’étant comme entre ciel et terre, on ne peut pas encore atteindre les biens célestes, sans pour autant vouloir toucher les choses de la terre.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

 

Nativité de saint Jean Baptiste, solennité

lundi 24 juin 2019

C’est à juste titre que la naissance de cet enfant a été pour beaucoup une cause de joie : elle le reste aujourd’hui. Donné à ses parents dans leur vieillesse, il venait prêcher à un monde vieillissant la grâce d’une nouvelle naissance. Il est bon que l’Église fête solennellement cette nativité, fruit merveilleux de la grâce, dont s’émerveille la nature. (…)

Quant à moi, cette lampe destinée à éclairer le monde (Jn 5,35), m’apporte par sa naissance une joie nouvelle, car c’est grâce à elle que j’ai reconnu la vraie Lumière qui luit dans les ténèbres mais que les ténèbres n’ont pas reçue (Jn 1,5.9). Oui, la naissance de cet enfant m’apporte une joie inexprimable, puisqu’il est pour le monde source de si grands biens. Lui le premier instruit l’Église, commence à la former par la pénitence, la prépare par le baptême, et quand il l’a ainsi préparée, la remet au Christ et l’unit à lui (Jn 3,29). Il lui apprend à vivre dans la sobriété, et par l’exemple de sa propre mort, lui donne la force de mourir avec courage. Par tout cela, il prépare au Seigneur un peuple parfait (Lc 1,17).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

« Une voix qui crie dans le désert. »

mercredi 2 janvier 2019

« Au désert, une voix crie : Préparez la route au Seigneur ! » Frères, il nous faut avant tout réfléchir sur la grâce de la solitude, sur la béatitude du désert, qui dès le début de l’ère du salut a mérité d’être consacré au repos des saints. Certes, le désert a été sanctifié pour nous par « la voix de celui qui crie dans le désert », Jean Baptiste, qui y prêchait et y donnait un baptême de pénitence. Déjà avant lui, les plus saints parmi les prophètes avaient toujours aimé la solitude, en tant que lieu favorable pour l’Esprit (cf 1R 17,2s ; 19,3s). Mais ce lieu a reçu une grâce de sanctification incomparablement plus grande quand Jésus y a pris la place de Jean (Mt 4,1)…

Il a demeuré dans le désert pendant quarante jours comme pour purifier et consacrer ce lieu à une vie nouvelle ; il a vaincu le despote qui le hantait…, moins pour lui-même que pour ceux qui y séjournerait… Attends donc au désert celui qui te sauvera de la peur et de la tempête. Quels que soient les combats qui y fondent sur toi, quelles que soient les privations dont tu souffriras, ne retourne pas en Égypte. Le désert te nourrira mieux avec la manne…

Jésus a jeûné au désert, mais plusieurs fois il a nourri la foule qui l’y a suivi, et d’une façon merveilleuse… Au moment où tu croiras qu’il t’a abandonné depuis longtemps, c’est alors que, n’oubliant pas sa bonté, il viendra te consoler et dira : « Je me suis souvenu de toi, ému de pitié pour ta jeunesse et ton premier amour, quand tu m’as suivi au désert » (Jr 2,2). Alors vraiment, il fera de ton désert un paradis de délices, et toi, tu proclameras comme le prophète que « la gloire du Liban lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron » (Is 35,2)… Alors ton âme rassasiée fera jaillir une hymne de louange : « Que le Seigneur soit glorifié pour sa miséricorde et ses merveilles envers les hommes ! Car il a rassasié l’âme assoiffée et comblé l’âme affamée » (Ps 106,8-9).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)