ACCUEIL

Archive pour octobre 2023

« Quand vous priez, dites : Père ! »

mercredi 11 octobre 2023

L’Apôtre prouve que nous sommes fils de Dieu par le fait que nous avons en nous l’Esprit Saint ( Gal 4, 4). Jamais, dit-il, nous n’oserions dire : « Notre Père qui es aux cieux… » sans la conscience de l’Esprit Saint habitant en nous et criant par la voix puissante de l’intelligence et de la foi : « Abba, Père ». (…) Il faut remarquer que, dans l’Écriture sainte, le mot ‘cri’ signifie non l’intensité de la voix, mais la force de la pensée et de la vérité exprimée. C’est ainsi que dans l’Exode, le Seigneur répond à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? » (Ex 14, 15) alors que Moïse n’avait prononcé auparavant aucune parole. L’Écriture appelle donc ‘cri’ son cœur contrit et gémissant avec larmes sur le peuple. (…)

« Ainsi tu n’es plus serviteur, mais fils. Et si tu es fils, tu es aussi héritier de par Dieu. » (Gal 4,7) En ayant, dit-il, l’Esprit du Fils de Dieu qui crie en vous « Abba, Père », vous avez cessé d’être des serviteurs pour devenir des fils. Auparavant, vous ne différiez en rien d’un serviteur, bien que vous apparteniez à la nature de Dieu ; mais vous viviez comme de tout petits, sous la puissance de tuteurs et de maîtres. Si maintenant vous êtes devenus fils, l’héritage vous est dû en conséquence. (…)

Étant passés de la servitude à la liberté, il faut que vous héritiez avec l’héritier du Père, le Christ Jésus qui, dans la nature humaine qu’Il a assumée, dit dans le psaume : « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré ; demande-moi et je te donnerai les nations en héritage. » (Ps 2, 7-8) Or ce que nous disons ici au singulier doit s’entendre de tout le genre humain, car nous tous qui croyons, nous sommes un dans le Christ Jésus, membres de son Corps et destinés à l’état d’homme parfait, nous avons le Christ pour chef, parce que le Christ est le chef de l’homme (1 Cor 11,2).

Saint Jérôme (347-420)

 

 

 

 

 

 

 

Le bonheur de la prière

mardi 10 octobre 2023

Oui, mes frères, si nous aimions bien le bon Dieu, nous nous ferions une joie et un bonheur de venir passer quelques instants pour l’adorer, pour lui demander la grâce de nous pardonner : nous regarderions ces moments comme les plus beaux de notre vie. Ah ! que les instants passés avec ce Dieu de bonté sont doux et consolants !

Êtes-vous dans le chagrin ? venez un instant vous jeter à ses pieds et vous vous sentirez tout consolé. Êtes-vous méprisé du monde ? venez ici, et vous trouverez un bon ami qui ne vous manquera jamais de fidélité. Êtes-vous tenté ? oh ! c’est ici que vous allez trouver des armes fortes et terribles pour vaincre votre ennemi. Craignez-vous le jugement formidable qui a fait trembler les plus grands saints ? profitez du temps que votre Dieu est le Dieu de miséricorde, et qu’il est si aisé d’en avoir votre grâce. Êtes-vous opprimé par la pauvreté ? venez ici, vous y trouverez un Dieu infiniment riche et qui vous dira que tous ses biens sont à vous, non dans ce monde, mais dans l’autre : « C’est là que je te prépare des biens infinis ; va, méprise ces biens périssables, et tu en auras qui ne périront jamais ». Voulons-nous commencer à goûter le bonheur des saints ? venons ici et nous en éprouverons les heureux commencements.

Ah ! qu’il fait bon, mes frères, jouir des chastes embrassements du Sauveur ! Ah ! vous ne les avez jamais goûtés ! Si vous aviez eu ce bonheur, vous ne pourriez plus en sortir. Ne soyons plus étonnés de ce que tant de saintes âmes ont passé leur vie dans sa maison et le jour et la nuit ; elles ne pouvaient plus se séparer de sa présence.

Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859)

 

 

 

« Il s’approcha et pansa ses blessures. » (Lc 10, 34)

lundi 9 octobre 2023

Je me suis éloigné, Ami de l’homme, j’ai séjourné dans le désert,
je me suis caché de toi, mon doux Maître,
plongé dans la nuit des soucis de la vie
où j’ai subi mainte morsure et mainte blessure,
d’où je remonte, l’âme marquée de mainte plaie,
et je crie dans ma douleur et la souffrance de mon cœur :
Aie pitié de moi, fais-moi miséricorde, à moi le pécheur !

Médecin qui seul aime les âmes, seul aime la miséricorde,
qui guéris gratuitement les malades et les blessés,
sois le médecin de mes meurtrissures, de mes blessures !
Distille l’huile de ta grâce, mon Dieu,
étends-la sur mes plaies, étanche mes ulcères,
cicatrise et revigore mes membres
déliquescents, et efface-en toutes les cicatrices, Sauveur,
redonne-moi totale et parfaite santé, comme auparavant. (…)

Je me suis relâché, Maître, pour avoir compté sur moi-même ;
je me suis laissé entraîner par le souci des choses sensibles
et j’ai succombé, malheureux, à la préoccupation des choses de la vie.
Comme le fer une fois refroidi, je suis devenu noir
et, à force de traîner par terre, j’ai contracté la rouille.

Voilà pourquoi je crie vers toi, pour être à nouveau purifié,
je t’en prie, Ami de l’homme, et pour être ramené
à ma beauté première, et jouir de ta lumière
maintenant et toujours et dans tous les siècles. Amen.

Syméon le Nouveau Théologien (v. 949-1022)

 

 

 

« C’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! » (Mt 21,42)

dimanche 8 octobre 2023

Dieu créa l’homme. Il tira son corps de la matière qu’il avait produite et il l’anima de son propre souffle que l’Écriture appelle âme pensante et image de Dieu. (…) Il plaça l’homme sur la terre pour veiller sur la création visible, être initié au mystère spirituel, régner sur les choses de la terre et être soumis au Royaume d’en haut. (…) Mais l’homme négligea d’obéir et fut dès lors, à cause de son péché, séparé de l’arbre de vie, du paradis et de Dieu. Son état réclamait le plus puissant secours, et il lui fut accordé. (…)

Quelle est cette abondance de bonté ? Quel est ce mystère qui me concerne ? J’avais reçu l’image et je ne l’ai pas gardée ; et Lui reçoit ma chair pour sauver cette image et rendre la chair immortelle. Il offre un second partage beaucoup plus étonnant que le premier. Alors il avait partagé ce qu’il avait de plus haut, maintenant il vient prendre part à ce qu’il y a de plus faible. Ce dernier geste est encore plus divin que le premier, encore plus sublime pour ceux qui en ont l’intelligence.

Saint Grégoire de Nazianze (330-390)

 

 

 

« Jésus leur dit : Je vous ai donné pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi. »

samedi 7 octobre 2023

« Attrapez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car nos vignes sont en fleur » (Ct 2,15). Pouvons-nous pénétrer justement la profondeur de cette pensée ? Quelle merveille de la grandeur divine est ici enfermée, quelle transcendance de la puissance de Dieu nous est révélée dans ce texte !

Celui dont il est parlé avec des expressions si fortes, l’homicide, le puissant en malice (…) le dominateur de la puissance des ténèbres (Ep 6,12), celui qui a la puissance de la mort (He 2,14), (…) celui enfin dont le Verbe nous décrit la nature redoutable, en le montrant si grand et si puissant, chef des légions démoniaques, comment la véritable et l’unique Puissance le nomme-t-elle ? Un petit renardeau. Et toute sa suite, toute l’armée qu’il a à son service, c’est ainsi que les nomme, dans un égal mépris, celui qui encourage les chasseurs à la chasse. (…)

Peut-être peut-on dire que ces chasseurs sont les saints apôtres qu’il a envoyés chasser de telles bêtes et à qui il a dit : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4,19). En effet, ils n’auraient pu mener à bien leur pêche d’hommes et prendre les âmes des sauvés dans le filet de leur message, s’ils n’avaient auparavant chassé ces bêtes, ces petits renards, de leur tanières, je veux dire des cœurs où ils étaient tapis pur y faire une place où le Fils de Dieu puisse reposer la tête, quand la race des renards n’aurait plus de gîte dans les cœurs.(…)

Le Verbe leur dit : Toutes ces puissances de la terre contre lesquelles l’homme mène sa lutte, (…) ne sont que de petits renardeaux, rusés mais pitoyables si on les compare à votre puissance. Si vous les maîtrisez, alors notre vigne, c’est-à-dire la nature humaine, recouvrira sa beauté propre, et elle préludera à la charge des grappes par les fleurs de la vie vertueuse. « Attrapez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car nos vignes sont en fleur ».

Saint Grégoire de Nysse (v. 335-395)

 

 

 

« Malheureuse es-tu, Corazine ! Malheureuse es-tu, Bethsaïde ! »

vendredi 6 octobre 2023

« Il multiplie les nations et il les ruinera : quand elles sont renversées, il les restaure intégralement. » (Jb 12,23 Vg) Sans doute peut-on comprendre que le Seigneur multiplie les nations et les ruinera, parce qu’il naît chaque jour des êtres destinés à mourir, et qu’il restaurera intégralement les nations renversées, parce que ressusciteront ceux qui étaient morts.

Toutefois nous entendons mieux ces paroles si nous percevons comment elles s’accomplissent dans l’âme de ces peuples. Le Seigneur multiplie les nations et il les ruinera, parce que, s’il les accroît par la fécondité de leur descendance, il les abandonne aussi dans leur incroyance. Mais, une fois renversées, il les restaurera intégralement, parce que, ces nations qu’il avait abandonnées dans la chute de leur incroyance, il les a ramenées un jour à la stabilité de la foi. Et quand elles ont été restaurées dans leur intégrité spirituelle, le peuple ancien, qui paraissait être fidèle à Dieu, s’est trouvé réprouvé en son cœur et rejeté, au point que, abusé dans l’égarement de sa foi, il s’est alors dressé contre celui qu’il avait d’abord annoncé.

Le texte poursuit : « Ils tâtonneront comme s’ils étaient dans les ténèbres et non dans la lumière ; et il les fera aller à l’aventure comme des hommes ivres. » (Jb 12, 24-25 Vg)

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Allez ! Voici que je vous envoie. » (Lc 10, 3)

jeudi 5 octobre 2023

« Allez… » nous dites-vous à tous les tournants de l’Évangile.
Pour être dans votre sens, il faut aller,
même quand notre paresse nous supplie de demeurer.

Vous nous avez choisis pour être dans un équilibre étrange.
Un équilibre qui ne peut s’établir et tenir
que dans un mouvement
que dans un élan.
Un peu comme un vélo qui ne tient pas debout sans rouler,
un vélo qui reste penché contre un mur
tant qu’on ne l’a pas enfourché,
pour le faire filer bon train sur la route.

La condition qui nous est donnée c’est une insécurité universelle,
vertigineuse.
Dès que nous nous prenons à la regarder,
notre vie penche, se dérobe.

Nous ne pouvons tenir debout que pour marcher, que pour foncer,
dans un élan de charité. (…)

Vous vous refusez à nous fournir une carte routière.
Notre cheminement se fait la nuit.
Chaque acte à faire à tour de rôle s’illumine
comme des relais de signaux.
Souvent la seule chose garantie c’est cette fatigue régulière
du même travail chaque jour à faire,
du même ménage à recommencer,
des mêmes défauts à corriger,
des mêmes bêtises à ne pas faire.

Mais en dehors de cette garantie,
tout le reste est laissé à votre fantaisie
qui s’en donne à l’aise avec nous.

Vénérable Madeleine Delbrêl (1904-1964)

 

 

 

Avancer sans hésitation, dans la joie de l’Esprit Saint !

mercredi 4 octobre 2023

Il faut que l’homme accomplisse les œuvres de justice dans la joie de l’Esprit Saint, sans marquer son hésitation dans un murmure pervers.

Il n’a donc pas à dire qu’il lui manque soit la première racine placée d’abord dans l’homme par un don de Dieu – le discernement de ce qui est bon –, soit la grâce de l’Esprit Saint qui touche cette même racine par ses conseils – le feu de la grâce qui motive la volonté. S’il agit avec une détermination joyeuse, il ne doit pas être dans l’angoisse à cause de ce qu’il a fait autrefois, poussé par un élan répréhensible comme s’il avait eu quelque chose de plus faible en sa racine intérieure. Et, s’il chute, une fois tombé dans la nécessité, il ne murmurera pas en disant en lui-même : « Hélas, hélas, qu’ai-je fait pour avoir été incapable de voir d’avance mes œuvres en Dieu ? »

Qu’il s’avance plutôt résolument sans porter le poids de son infidélité passée, de façon à ne pas se défier de Dieu dans ses actions, mais à être mis en sécurité, sans plainte larmoyante sur sa mauvaise action passée.

Sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179)

 

 

 

Il n’y a pas d’échec pour Dieu

mardi 3 octobre 2023

Là où on a suivi Jésus-Christ, on glorifie Dieu en l’appelant Dieu, mais en même temps, c’est inévitable, on appelle en lui chaque homme par son nom. À cet appel, il se peut qu’aucun ne réponde… jamais. On pourrait savourer une doctrine de l’échec. Mais, pour celui qui est le tâcheron de Dieu, toutes ses tâches peuvent sembler échouer, le travail qui englobe ces tâches n’échoue pas, car c’est le travail de Dieu : aucun échec n’est fait pour Dieu.

Mais il nous appartient qu’une de nos tâches n’échoue pas : c’est la croix, ce qui nous a été gardé à « achever dans la Passion du Christ ». Là il s’agit d’aimer ; mais non comme un artiste, sans erreur, sans défaut, sans soubresaut : il faut « aimer le Seigneur de toutes ses forces » (cf. Lc 10,27). Après « toutes ses forces », il se peut que nous soyons face à terre, vaincus, révoltés sans comprendre que nous le soyons : il n’y aura pas d’échec pour la rédemption, mais sans doute n’en saurons-nous rien.

Tout cela est une vie où rien ne peut nous assurer de bien vivre, car rien ne s’y pèse avec nos poids. Cent fois, il nous semblera avoir pris la terre dans nos bras, sur notre cœur, et avoir passé tout ce que les autres hommes appellent jeunesse, maturité, vieillesse près d’un brin d’herbe qui n’a même pas grandi. Mais quand la vie éternelle s’ouvrira toute grande pour nous, quand il faudra mourir, avant de voir Dieu, il se peut que nous voyions grand comme un brin d’herbe. Nous ne serons pas alors sûrs de notre justice, mais de la miséricorde de Dieu.

Vénérable Madeleine Delbrêl (1904-1964)

 

 

 

lundi 2 octobre 2023