ACCUEIL

Archive pour le mot-clef ‘St Léon le Grand’

« Heureux, vous les pauvres. »

mercredi 11 septembre 2024

« Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3). On aurait pu se demander de quels pauvres la Vérité avait voulu parler, si, en disant : « Heureux les pauvres », elle n’avait rien ajouté sur le genre de pauvres qu’il fallait comprendre ; il aurait alors semblé que, pour mériter le Royaume des cieux, le seul dénuement suffisait, dont beaucoup souffrent par l’effet d’une nécessité pénible et dure. Mais en disant : « Heureux les pauvres en esprit », le Seigneur montre que le Royaume des cieux doit être donné à ceux que l’humilité de l’âme recommande, plutôt que la pénurie des ressources.

On ne peut pas douter cependant que les pauvres acquièrent plus facilement que les riches le bien qu’est cette humilité, car à ceux-là la douceur est une amie dans leur indigence, tandis qu’à ceux-ci l’orgueil est le compagnon de leur opulence. Pourtant, chez beaucoup de riches également, on trouve cette disposition d’âme qui les porte à se servir de leur abondance non pour s’enfler d’orgueil mais pour exercer la bonté, et qui considère comme un grand profit ce qui est dépensé pour soulager la misère et la peine des autres. À toutes les sortes et classes d’hommes il est donné d’avoir part à cette vertu, car ils peuvent être à la fois égaux en intention et inégaux en fortune ; peu importe de combien diffèrent en ressources terrestres des hommes que l’on trouve égaux en biens spirituels. Heureuse donc cette pauvreté qui n’est pas enchaînée par l’amour des richesses matérielles ; elle ne désire pas agrandir sa fortune en ce monde, mais aspire à devenir riche des biens des cieux.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

 

Fête de la Transfiguration du Seigneur

mardi 6 août 2024

Jésus voulait armer ses apôtres d’une grande force d’âme et d’une constance qui leur permettraient de prendre sans crainte leur propre croix, malgré sa rudesse. Il voulait aussi qu’ils ne rougissent pas de son supplice, qu’ils ne considèrent pas comme une honte la patience avec laquelle il devait subir une Passion si cruelle, sans perdre en rien la gloire de sa puissance. Jésus « prit donc Pierre, Jacques et Jean, et il monta avec eux sur une haute montagne », et là il leur a manifesté l’éclat de sa gloire. Même s’ils avaient compris que la majesté divine était en lui, ils ignoraient encore la puissance détenue par ce corps qui voilait la divinité…

Le Seigneur découvre donc sa gloire en présence des témoins qu’il avait choisis, et sur son corps, semblable à tous les autres corps, il répand une telle splendeur « que son visage parut brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la neige. » Sans doute cette transfiguration avait surtout pour but d’enlever du cœur de ses disciples le scandale de la croix, de ne pas bouleverser leur foi par l’humilité de sa Passion volontaire…, mais cette révélation fondait aussi dans son Eglise l’espérance qui devait la soutenir. Tous les membres de l’Eglise, son Corps, comprendraient ainsi quelle transformation devrait s’opérer en eux un jour, puisqu’il est promis aux membres de participer à l’honneur qui a resplendi dans la Tête. Le Seigneur lui-même avait dit en parlant de la majesté de son avènement : « Alors les justes brilleront comme le soleil dans le Royaume de leur Père » (Mt 13,43). Et l’apôtre Paul affirme de son côté : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous » (Rm 8,18)… Il écrit aussi : « Car vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Lorsque le Christ paraîtra, lui qui est votre vie vous serez manifestés vous aussi, avec lui, dans la gloire » (Col 3,3-4).

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

Saint Pierre et saint Paul, Apôtres, solennité

samedi 29 juin 2024

« Elle et précieuse aux yeux du Seigneur, la mort de ses saints » (Ps 115,15). Une religion qui a pour fondement le mystère de la croix du Christ ne peut être détruite par aucun genre de cruauté. L’Église n’est pas amoindrie par les persécutions, mais renforcée par elles. Et le champ du Seigneur se couvre d’une moisson de plus en plus riche à mesure que les graines, qui tombent une à une, renaissent multipliées.

Des milliers de bienheureux martyrs attestent combien s’est multiplié la postérité de ces deux germes glorieux des divines semailles que sont les apôtres Pierre et Paul. Émules de l’un et de l’autre dans leur triomphe, ils ont rempli notre ville de Rome d’une multitude empourprée, dont l’éclat brille au loin ; ils la couronnent comme d’un diadème serti de la splendeur d’innombrables pierres précieuses.

Nous nous réjouissons, fils bien-aimés, en célébrant le souvenir et en invoquant la protection de tous ces saints que Dieu nous a donnés comme exemples de patience et come soutiens pour notre foi. Mais nous devons nous glorifier plus encore pour la gloire éminente de ces deux apôtres qui en furent les pères. La grâce de Dieu les a élevés si haut parmi tous les membres de l’Église que, dans ce corps dont le Christ est la tête, on peut les comparer à la lumière des deux yeux. En pensant à leurs mérites et à leurs vertus, qui surpassent tout ce qu’on peut en dire, nous ne devons ni les préférer l’un à l’autre ni les dissocier. Car une même élection les a faits égaux, une même tâche les a rendus semblables, une même fin les a réunis.

Comme nous en avons fait l’expérience et comme nos prédécesseurs l’ont attesté, nous croyons et nous espérons que les prières de ces deux insignes protecteurs nous obtiendront la miséricorde de Dieu au milieu des épreuves de cette vie ; de cette sorte, autant nous écrase le poids de nos propres péchés, autant serons-nous relevés par les mérites de ces apôtres.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

 

Qui aime est habité par Dieu

mardi 18 juin 2024

Celui qui désire savoir si habite en lui le Dieu dont il est dit : « Dieu est admirable en ses saints » (Ps 67,36), qu’il scrute par un examen sincère le fond de son cœur et recherche attentivement avec quelle humilité il résiste à l’orgueil, avec quelle bienveillance il combat l’envie, dans quelle mesure il ne se laisse pas prendre aux paroles flatteuses et se réjouit du bien des autres ; qu’il recherche s’il ne désire pas rendre le mal pour le mal et s’il préfère laisser invengées les injures plutôt que de perdre l’image et la ressemblance de son Créateur qui appelle tous les hommes à le connaître à travers les bienfaits qu’il prodigue à tous, faisant « pleuvoir sur les justes et les injustes et lever son soleil sur les bons et les méchants » (Mt 5,45).

Et pour que cette recherche ne s’épuise pas en l’examen scrupuleux de multiples points, qu’il se demande si dans les replis de son cœur se trouve la mère même de toutes les vertus : la charité. S’il trouve ce cœur tout entier tendu vers l’amour de Dieu et du prochain au point de vouloir que ses ennemis reçoivent, eux aussi, les biens qu’il souhaite pour lui-même, alors celui qui est dans ces dispositions ne peut pas douter que Dieu le dirige et l’habite. Il lui fait un accueil d’autant plus magnifique que ce n’est pas en lui-même qu’il se glorifie, mais dans le Seigneur (cf. 1 Co 1,31).

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

« Il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. » (Jn 11, 16)

dimanche 21 avril 2024

Par l’Esprit Saint il est né d’une mère vierge et, par le même Esprit, il féconde son Église toute pure, afin que, par l’enfantement du baptême, une innombrable multitude d’enfants soit engendrée à Dieu. Il est dit de ceux-ci qu’ « ils ne sont pas nés du sang, ni du vouloir de la chair, ni du vouloir de l’homme, mais de Dieu » (Jn 1,13). C’est en lui que la descendance d’Abraham est bénie par l’adoption du monde entier, et que le patriarche devient père des nations lorsque naissent de la foi et non de la chair les fils de la promesse.

Sans faire exception d’aucun peuple, il forme de toutes les nations qui sont sous le ciel un seul troupeau de brebis saintes. Chaque jour il accomplit ce qu’il avait promis : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là aussi il faut que je les mène, elles écouteront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Jn 10,16).

En effet, bien que ce soit surtout à Pierre qu’il a dit : « Paie mes brebis » » (Jn 21,17), c’est néanmoins par le seul Seigneur que tous les pasteurs sont pris en charge ; et ceux qui viennent au Rocher, le Christ, il les nourrit dans les pâturages si gras et si bien arrosés, que d’innombrables brebis fortifiées par l’abondance de son amour n’hésitent pas à mourir pour le nom de leur Pasteur, de même que le bon Pasteur a daigné donner sa vie pour ses brebis.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

Celui qui reçoit le Christ devient le corps du Ressuscité

jeudi 18 avril 2024

La nature humaine a été assumée par le Fils de Dieu si intimement que non seulement en cet homme qui est « le premier-né de toute créature » (Col 1,15), mais aussi dans tous les saints, il n’y a qu’un seul et même Christ. Et comme la tête ne peut se séparer des membres, ainsi les membres ne peuvent être séparés de la tête. (…)

C’est avec lui que souffre non seulement le courage glorieux des martyrs, mais aussi la foi de tous ceux qui renaissent au bain de la régénération. Lorsqu’en effet on renonce au diable pour croire en Dieu, lorsqu’on passe de la vétusté au renouveau, lorsqu’on dépose l’image de l’homme terrestre pour revêtir la forme céleste, il se produit comme une sorte de mort et comme une espèce de résurrection ; si bien que celui qui est reçu par le Christ et qui reçoit le Christ n’est plus, après le bain du baptême, ce qu’il était avant, mais le corps du régénéré devient la chair du Crucifié.

C’est pourquoi la Pâques du Seigneur est célébrée comme il convient « avec des azymes de pureté et de vérité » (1Co 5,8), lorsque, une fois rejeté le ferment de l’ancienne malice, la nouvelle créature s’enivre et se nourrit du Seigneur lui-même. Car la participation au corps et au sang du Christ n’a d’autre action que de nous faire porter partout, en notre esprit et notre chair, celui en qui et avec qui nous sommes morts, ensevelis et ressuscités.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

Préparons un sacrifice de miséricorde

samedi 17 février 2024

Pour traduire en actes ce bien de la charité, mes frères, il est vrai que tous les temps sont bons ; et pourtant, les jours que nous vivons nous y exhortent particulièrement. Ceux qui désirent accueillir la Pâque du Seigneur avec la sainteté de l’esprit et du corps doivent s’efforcer avant tout d’acquérir cette grâce qui contient la somme des vertus et « couvre une multitude de péchés » (1 P 4,8).

Sur le point donc de célébrer le plus grand de tous les mystères, celui où le sang de Jésus Christ a effacé nos iniquités, préparons tout d’abord le sacrifice de la miséricorde. Ce que la bonté de Dieu nous a donné, nous le rendons ainsi à ceux qui nous ont offensés. Que les injures soient jetées dans l’oubli, que les fautes ignorent désormais la torture et que toutes les offenses soient libérées de la peur de la vengeance ! (…) Ainsi lorsque nous dirons, selon l’enseignement du Seigneur : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6,12), nous ne douterons pas, en formulant notre prière, d’obtenir le pardon de Dieu.

Nous devons aussi montrer une bonté plus généreuse envers les pauvres et ceux qui souffrent de diverses faiblesses, pour que des voix plus nombreuses puissent rendre grâces à Dieu et que nos jeûnes contribuent au soulagement de ceux qui sont dans le besoin. Aucun dévouement des croyants n’est plus agréable au Seigneur que celui dont ses pauvres bénéficient : là où Dieu trouve le souci de la miséricorde, il reconnaît l’image de sa bonté.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

 

Que nous grandissions en miséricorde !

jeudi 17 août 2023

Le Seigneur a dit : « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs » (Mt 9,13). Il n’est donc permis à aucun chrétien de haïr qui que ce soit : personne ne peut être sauvé si ce n’est dans le pardon des péchés et, ceux que la sagesse du monde méprise, nous ne savons à quel point la grâce de l’Esprit peut leur donner du prix.

Que le peuple de Dieu soit saint et qu’il soit bon : saint pour se détourner de ce qui est défendu, bon pour agir selon les commandements. Bien qu’il soit grand d’avoir une foi droite et une saine doctrine, et que soient dignes de louanges la sobriété, la douceur et la pureté, toutes ces vertus demeurent pourtant vaines sans la charité. Et on ne peut pas dire qu’une conduite excellente soit féconde si elle n’est pas engendrée par l’amour. (…)

Que les croyants fassent donc la critique de leur propre état d’esprit et qu’ils examinent attentivement les sentiments intimes de leur cœur. S’ils trouvent au fond de leur conscience quelque fruit de la charité, qu’ils ne doutent pas que Dieu est en eux. Et pour devenir de plus en plus capables d’accueillir un hôte si grand, qu’ils persévèrent et grandissent dans la miséricorde par des actes. Si en effet l’amour est Dieu, la charité ne doit connaître nulle borne, car aucune limite ne peut enfermer la divinité.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

 

« Table des origines de Jésus Christ »

vendredi 6 janvier 2023

Il ne sert à rien de dire que notre Seigneur, fils de la Vierge Marie, est vraiment homme, si on ne croit pas qu’il l’est de la manière que proclame l’Évangile. Lorsque Matthieu nous parle de la « généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham », il dessine, à partir de l’origine de l’humanité, la lignée des générations jusqu’à Joseph à qui Marie était fiancée. Luc, au contraire, remonte les degrés successifs pour aboutir au commencement du genre humain, et il montre ainsi que le premier et le dernier Adam sont de la même nature (3,23s).

Il était possible, certes, à la Toute-puissance du Fils de Dieu de se manifester pour l’instruction et la justification des hommes de la même manière qu’il était apparu aux patriarches et aux prophètes sous une forme charnelle ; par exemple, lorsqu’il luttait avec Jacob (Gn 32,25) ou qu’il engageait une conversation avec Abraham, acceptant le service de son hospitalité au point de prendre la nourriture qu’il lui présentait (Gn 18). Mais ces apparitions n’étaient que des signes, des images de l’homme dont elles annonçaient la réalité puisée aux racines de ces ancêtres.

Le mystère de notre rédemption, disposé dès avant le temps, depuis l’éternité, aucune image ne pouvait l’accomplir. L’Esprit n’était pas encore descendu en la Vierge, et la puissance du Très-Haut ne l’avait pas encore couverte de son ombre (Lc 1,35). La Sagesse ne s’était pas encore construit une demeure pour que le Verbe s’y incarne et que, la nature de Dieu et celle de l’esclave s’unissant en une seule personne, le Créateur du temps naisse dans le temps, et celui par qui tout a été fait soit engendré parmi toutes les créatures. Si l’homme nouveau ne s’était assimilé à la chair du péché et chargé de notre vieillesse, s’il n’avait daigné, lui, consubstantiel au Père, prendre substance de sa mère et assumer notre nature – hormis le péché –, l’humanité serait maintenue prisonnière à la merci du démon, et nous ne pourrions jouir de la victoire triomphale du Christ, car elle aurait eu lieu en dehors de notre nature. C’est donc de l’admirable participation du Christ à notre nature que jaillit sur nous la lumière du sacrement de la régénération.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)

 

 

Reconnais, chrétien, ta dignité !

lundi 2 janvier 2023

Frères, bien-aimés, aujourd’hui, le Verbe de Dieu, Dieu, Fils de Dieu, qui au commencement était avec Dieu, par qui tout a été fait et sans qui rien n’a été fait, pour délivrer l’homme de la mort éternelle, est devenu homme. Pour revêtir notre humilité sans que sa majesté en soit diminuée, il s’est tellement abaissé que, demeurant ce qu’il était et assumant ce qu’il n’était pas, il a uni la vrai nature du serviteur à celle dans laquelle il est égal à Dieu le Père. Rendons grâce, bien-aimés, à Dieu le Père, par son Fils, dans l’Esprit Saint, lui qui, à cause du grand amour dont il nous a aimés, a eu pitié de nous, et, « alors que nous étions morts par suite de nos péchés, nous a fait revivre dans le Christ » (Eph 2, 5) pour que nous soyons en lui une nouvelle œuvre de ses mains.

« Dépouillons donc le vieil homme et ses actes » (Col 3,9), et, admis à participer à la naissance du Christ, renonçons à tout ce qui est selon la chair. Reconnais, chrétien, ta dignité, et, après avoir été fait participant de la nature divine, ne va pas retourner, par un comportement indigne de ta race, à ta bassesse première. Souviens-toi de quelle tête et de quel corps tu es membre. Rappelle-toi qu’arraché à l’empire des ténèbres, tu as été transféré dans le royaume de Dieu et sa lumière. Par le sacrement du baptême, tu es devenu le temple de l’Esprit Saint : ne va pas, par tes mauvaises actions, faire fuir loin de toi un tel hôte et te soumettre à nouveau à l’esclavage du diable ; ta rançon, c’est le sang du Christ, et il te jugera dans sa vérité, celui qui t’a racheté dans sa miséricorde.

Saint Léon le Grand (?-v. 461)