Combien ce grand saint [que nous fêtons] a été fidèle en humilité ! Cela ne se peut dire selon sa perfection, car malgré ce qu’il était, en quelle pauvreté et en quelle abjection ne vécut-il pas tout le temps de sa vie ! Pauvreté et abjection sous laquelle il tenait cachées et couvertes ses grandes vertus et dignités… Vraiment, je ne doute nullement que les anges, ravis d’admiration, ne soient venus, troupes à troupes, le considérer et admirer son humilité, lorsqu’il tenait ce cher enfant dans sa pauvre boutique, où il travaillait de son métier pour nourrir le fils et la mère qui lui étaient confiés.
Il n’y a point de doute que saint Joseph n’ait été plus vaillant que David et n’ait eu plus de sagesse que Salomon [ses ancêtres] ; néanmoins, le voyant réduit en l’exercice de la charpenterie, qui aurait pu juger cela sans être éclairé de la lumière céleste, tant il tenait cachés tous les dons remarquables dont Dieu l’avait gratifié ? Mais quelle sagesse n’avait-il pas, puisque Dieu lui donnait en charge son Fils très glorieux…, Prince universel du ciel et de la terre ?… Néanmoins, vous voyez combien il était rabaissé et humilié plus qu’il ne peut se dire ou imaginer… : il s’en va en son pays et en sa ville de Bethléem, et nul n’est rejeté de tous les logis que lui… Regardez comment l’ange le tourne à toutes mains. Il lui dit qu’il faut aller en Égypte, il y va ; il commande qu’il revienne, il s’en revient. Dieu veut qu’il soit toujours pauvre…, et il s’y soumet amoureusement, et non pour un temps, car il a été pauvre toute sa vie.
Saint François de Sales (1567-1622)