ACCUEIL

Archive pour le mot-clef ‘Bienheureux Guerric d’Igny’

« Que soient plein d’allégresse désert et terre aride ; que la steppe exulte et fleurisse. » (Is 35,1)

dimanche 9 décembre 2018

« Au désert, une voix crie : Préparez la route au Seigneur ! » Frères, il nous faut avant tout réfléchir sur la grâce de la solitude, sur la béatitude du désert, qui dès le début de l’ère du salut a mérité d’être consacré au repos des saints. Certes, le désert a été sanctifié pour nous par « la voix de celui qui crie dans le désert », Jean Baptiste, qui y prêchait et y donnait un baptême de pénitence. Déjà avant lui, les plus saints parmi les prophètes avaient toujours aimé la solitude, en tant que lieu favorable pour l’Esprit (cf 1R 17,2s; 19,3s). Mais ce lieu a reçu une grâce de sanctification incomparablement plus grande quand Jésus y a pris la place de Jean (Mt 4,1)…

Il a demeuré dans le désert pendant quarante jours comme pour purifier et consacrer ce lieu à une vie nouvelle ; il a vaincu le despote qui le hantait…, moins pour lui-même que pour ceux qui y séjourneraient… Attends donc au désert celui qui te sauvera de la peur et de la tempête. Quels que soient les combats qui y fondent sur toi, quelles que soient les privations dont tu souffriras, ne retourne pas en Égypte. Le désert te nourrira mieux avec la manne…

Jésus a jeûné au désert, mais plusieurs fois il a nourri la foule qui l’y a suivi, et d’une façon merveilleuse… Au moment où tu croiras qu’il t’a abandonné depuis longtemps, c’est alors que, n’oubliant pas sa bonté, il viendra te consoler et dira : « Je me suis souvenu de toi, ému de pitié pour ta jeunesse et ton premier amour, quand tu m’as suivi au désert » (Jr 2,2). Alors vraiment, il fera de ton désert un paradis de délices, et toi, tu proclameras comme le prophète que « la gloire du Liban lui a été donnée, la beauté du Carmel et de Saron » (Is 35,2)… Alors ton âme rassasiée fera jaillir une hymne de louange : « Que le Seigneur soit glorifié pour sa miséricorde et ses merveilles envers les hommes ! Car il a rassasié l’âme assoiffée et comblé l’âme affamée » (Ps 106,8-9).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)

 

 

 

 

« Heureux, vous les pauvres… Malheureux, vous les riches. »

mercredi 12 septembre 2018

C’est avec raison que le Seigneur, en proclamant la béatitude des pauvres, ne dit pas : « Le Royaume des cieux sera » mais « est à eux »… Qu’ils sont proches du Royaume de Dieu, ceux qui déjà possèdent et portent dans leur cœur ce Roi dont on a dit que le servir, c’est régner… Que d’autres se querellent pour se partager l’héritage de ce monde : « le Seigneur est ma part d’héritage et ma coupe » (Ps 15,5). Qu’ils combattent entre eux à qui sera le plus misérable : je ne leur envie rien de tout ce qu’ils recherchent, car moi et mon âme, « nous mettrons nos délices dans le Seigneur » (Ps 103,34). Toi, l’héritage glorieux des pauvres ! Bienheureuse richesse de ceux qui n’ont rien ! Non seulement tu nous fournis tout ce dont nous avons besoin, mais encore, tu es remplie de toute gloire, tu débordes de toute joie, car tu es « la mesure surabondante versée dans notre sein » (Lc 6,38)… Que votre âme… se glorifie dans son humilité, vous les pauvres, et qu’elle regarde avec dédain toute grandeur de ce monde… Des biens éternels sont préparés, et tu leur préférerais des choses passagères, pareilles à un songe ?… Comme ils sont malheureux, ceux que la bienheureuse pauvreté rendait dignes d’être honorés par le ciel, admirés par le monde et redoutés par l’enfer, et qui ensuite, dans l’aveuglement de leur esprit, ont regardé la pauvreté comme une misère, l’humilité comme une lâcheté ; qui ont voulu devenir riches et sont tombés dans les pièges du diable, alors que toutes choses leur appartenaient !… Quant à vous, qui avez pour amie la pauvreté et trouvez douce l’humilité du cœur, la Vérité éternelle vous rend sûrs de posséder le Royaume des cieux ; il garde fidèlement pour vous ce Royaume qui vous est réservé.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien

 

 

 

 

 

Accueillir le Royaume de Dieu à la manière d’un enfant

samedi 26 mai 2018

Un petit enfant est né pour nous : le Dieu de majesté, s’anéantissant lui-même, s’est rendu semblable non seulement au corps terrestre des mortels, mais encore à l’âge des enfants, empreint de faiblesse et de petitesse. Bienheureuse enfance, dont la faiblesse et la simplicité sont plus fortes et plus sages que tous les hommes ! Car, en vérité, la force de Dieu et la sagesse de Dieu accomplissent ici leur œuvre divine à travers nos réalités humaines. Oui, la faiblesse de ce petit enfant triomphe du prince de ce monde ; elle rompt nos liens et nous délivre de notre captivité. La simplicité de cet enfant, laquelle semble muette et privée de parole, rend éloquentes les langues des enfants ; elle leur fait parler les langues des hommes et des anges… Cet enfant semble ignorant mais c’est lui qui enseigne la sagesse aux hommes et aux anges, lui qui est en réalité… la Sagesse de Dieu et son Verbe, sa Parole.

Ô sainte et douce enfance, toi qui rends aux hommes l’innocence véritable grâce à laquelle tout âge peut faire retour à une bienheureuse enfance et te ressembler, non par la petitesse des membres, mais par l’humilité du cœur et la douceur du comportement ! Assurément, vous les fils d’Adam, vous qui êtes si grands à vos propres yeux…, si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme ce petit enfant, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. « Je suis la porte du Royaume », dit ce petit enfant. Si la haute taille des hommes ne s’incline pas, cette humble porte ne les laissera pas entrer.

(Références bibliques : Is 9,5 ; 1Co 1,24 ; Jn 12,31 ; Sg 10,21 ; 1Co 13,1 ; Ps 93,10 ; Mt 18,3-4;   Jn 10,9)

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
1er sermon pour la Nativité (trad. SC 166, p.167 rev.)

 

 

 

Ascension du Seigneur, solennité

jeudi 10 mai 2018

« Père, ceux que tu m’as donnés, je veux qu’ils soient avec moi, là où je suis ; je veux qu’ils voient ma gloire » (Jn 17,24). Heureux ceux qui ont maintenant pour avocat devant Dieu leur juge en personne ; heureux ceux qui ont pour intercesseur celui qu’on doit adorer au même titre que le Père à qui il adresse cette prière ! Le Père ne peut pas refuser de satisfaire ce désir exprimé par ses lèvres (Ps 20,3) car il a avec lui une seule volonté, une seule puissance, étant un seul et même Dieu… « Je veux que là où je suis, ils soient avec moi. » Quelle assurance pour ceux qui ont la foi, quelle confiance pour les croyants ! … Les saints, dont « la jeunesse se renouvelle comme celle de l’aigle » (Ps 102,5) « déploient leurs ailes comme des aigles » (Is 40,31)…

En ce jour, le Christ « s’éleva sous le regard de ses disciples et disparut dans une nuée » (Ac 1,10)… Il s’efforçait d’entraîner leur cœur à sa suite en se faisant aimer d’eux, et il leur promettait par l’exemple de son corps que leur corps pourrait s’élever de la même façon… Aujourd’hui, le Christ, en vérité, « monte sur les chérubins et il vole sur les ailes du vent » (Ps 17,11), c’est-à-dire, il dépasse la puissance des anges. Et pourtant, dans sa condescendance pour ta faiblesse « tel un aigle qui veille sur ses petits » il veut « te prendre et te porter sur ses épaules » (Dt 32,11)… Certains volent avec le Christ par la contemplation ; pour toi, que ce soit du moins par l’amour.

Frère, puisque le Christ, ton trésor, est monté aujourd’hui au ciel, que là aussi soit ton cœur (Mt 6,21). C’est de là-haut que tu tiens ton origine, c’est là que se trouve ta part d’héritage (Ps 16,5), c’est de là que tu attends le Sauveur (Ph 3,20).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
Sermon pour l’Ascension (trad. cf. SC 202, p. 275)

 

 

 

Le vendredi saint : Célébration de la Passion du Seigneur

vendredi 30 mars 2018

Béni soit celui qui, pour me permettre de « faire mon nid dans le creux du rocher » (Ct 2,14), s’est laissé percer les mains, les pieds et le côté. Béni soit celui qui s’est ouvert à moi tout entier pour que je pénètre dans le sanctuaire admirable (Ps 41,5) et que je « me cache dans le secret de sa tente » (Ps 26,5). Ce rocher est un refuge…, doux lieu de séjour pour les colombes, car les trous béants de ces plaies sur tout ce corps offrent le pardon aux pécheurs et accordent la grâce aux justes. C’est une demeure sûre, frères, « une tour forte devant l’ennemi » (Ps 60,4), que d’habiter par une méditation aimante et constante les plaies du Christ notre Seigneur, de chercher dans la foi et l’amour envers le Crucifié un abri sûr pour notre âme, un abri contre la véhémence de la chair, les tempêtes de ce monde, les assauts du démon. La protection de ce sanctuaire l’emporte sur tout le prestige de ce monde…

Entre donc dans ce rocher, cache-toi…, prends refuge dans le Crucifié… Qu’est-ce que la plaie dans le côté du Christ, sinon la porte ouverte de l’arche pour ceux qui seront préservés du déluge ? Mais l’arche de Noé était seulement un symbole ; ici, c’est la réalité ; il ne s’agit plus ici de sauver la vie mortelle, mais de recevoir l’immortalité…

Il est donc bien juste que la colombe du Christ, sa toute belle (Ct 2,13-14)…, chante aujourd’hui ses louanges avec joie. Du souvenir ou de l’imitation de la Passion, de la méditation des saintes plaies, comme des creux du rocher, sa voix très douce retentit aux oreilles de l’Époux (Ct 2,14).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
4ème sermon pour les Rameaux ; SC 202 (trad. cf SC, p. 211s)

 

 

En union de prière, tous les vendredis soir, de 21h30 à 22h00, à la demande de Marie Mère des hommes.

 

 

 

 

« Jean était la lampe qui brûle et qui éclaire. » (Jn 5,35)

jeudi 14 décembre 2017

Jesus_is_baptized

Quand la Justice souveraine dit à Noé : « Tu as été juste à mes yeux » (Gn 7,1), c’est un grand éloge de sa justice. C’est le signe d’un bien grand mérite, quand Dieu assure à Abraham que c’est à cause de lui que ses promesses seraient accomplies… Quelle gloire pour Moïse, quand Dieu brûle de zèle pour le défendre et confondre ses ennemis (cf Nb 12,6s)… Et que dire de David en qui le Seigneur se félicite d’avoir trouvé « un homme selon son cœur » ? (1 Sm 13,14)

Et pourtant, quelle qu’ait été la grandeur de ces hommes, ni parmi eux ni parmi les autres « enfants des femmes », « aucun n’a existé de plus grand que Jean Baptiste », au témoignage de l’Enfant de la Vierge. Certes, les étoiles n’ont pas toutes le même éclat (1Co 15,41), et dans le chœur des saints astres qui ont éclairé la nuit de ce monde avant le lever du vrai Soleil, quelques-uns ont brillé d’un éclat admirable. Cependant aucun d’entre eux n’a été plus grand et plus resplendissant que cette étoile du matin, cette lampe ardente et lumineuse préparée par Dieu pour son Christ (cf Ps 131,17). Première lumière du matin, étoile de l’aurore, précurseur du Soleil, il annonce aux mortels l’imminence du jour et crie à ceux qui dorment « dans les ténèbres et l’ombre de la mort » (Lc 1,79) : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux approche » (Mt 3,2). C’est comme s’il disait : « La nuit est avancée, le jour approche ; rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière » (Rm 13,12). « Éveille-toi, toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
3e Sermon pour la Nativité de St Jean Baptiste, 1-2 ; PL 185, 169 (trad. cf Orval et SC 202, p. 339)

 

 

 

Notre Dame des Douleurs

vendredi 15 septembre 2017

septdo10

Quand Jésus s’est mis à parcourir les villes et les villages pour annoncer la Bonne Nouvelle (Mt 9,35), Marie l’accompagnait, inséparablement attachée à ses pas, suspendue à ses lèvres dès qu’il ouvrait la bouche pour enseigner. À tel point que ni la tempête de la persécution ni l’horreur du supplice n’ont pu lui faire abandonner la compagnie de son Fils, l’enseignement de son Maître. « Près de la croix de Jésus se tenait Marie, sa mère ». Vraiment, elle est mère, celle qui n’abandonnait pas son Fils, même dans les terreurs de la mort. Comment aurait-elle pu être effrayée par la mort, elle dont « l’amour était fort comme la mort » (Ct 8,6) et même plus fort que la mort. Oui, elle se tenait debout près de la croix de Jésus et la douleur de cette croix la crucifiait dans son cœur elle aussi ; toutes les plaies dont elle voyait blessé le corps de son Fils étaient autant de glaives qui lui transperçaient l’âme (Lc 2,35). C’est donc à juste titre qu’elle est proclamée Mère ici et qu’un protecteur bien choisi est désigné pour prendre soin d’elle, car c’est ici surtout que se manifestent l’amour parfait de la mère à l’égard du Fils et la vraie humanité que le Fils avait reçue de sa mère…

Jésus « l’ayant aimée, il l’aima jusqu’à la fin » (Jn 13,1). Non seulement la fin de sa vie a été pour elle, mais aussi ses derniers mots : achevant pour ainsi dire de dicter son testament, Jésus a confié le soin de sa mère à son plus cher héritier… Pierre, pour sa part, a reçu l’Église, et Jean, Marie. Cette part revenait à Jean comme un signe de l’amour privilégié dont il était l’objet, mais aussi à cause de sa chasteté… Car il convenait que personne d’autre ne rende ses services à la mère du Seigneur que le disciple bien-aimé de son Fils… Et par cette disposition providentielle, le futur évangéliste pourrait s’entretenir familièrement de tout avec celle qui savait tout, elle qui, depuis le commencement, observait attentivement tout ce qui concernait son Fils, qui « conservait avec soin toutes ces choses et les méditait dans son cœur » (Lc 2,19).

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
4ème Sermon pour l’Assomption (trad. cf. Pain de Cîteaux 8, p. 105 et SC 202, p. 459)

 

 

 

Reconnaître le Christ dans son humilité et descendre à sa suite

lundi 4 septembre 2017

113207306

« Mon âme se trouble en moi », ô Dieu, au souvenir de mes péchés ; « alors je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain » (Ps 41,7) — c’est-à-dire en me rappelant comment tu as purifié Naaman le lépreux dans son humble descente… « Il descendit et se lava sept fois dans le Jourdain, comme l’avait prescrit l’homme de Dieu, et il fut purifié » (2R 5,14). Descends toi aussi, ô mon âme, descends du char de l’orgueil dans les eaux salutaires du Jourdain, qui, de la source de la maison de David, coule maintenant sur le monde entier « pour laver tout péché et toute souillure » (Za 13,1). Assurément, cette source c’est l’humilité de la pénitence, qui coule à la fois grâce à un don du Christ et grâce à son exemple, et qui, prêchée désormais sur toute la terre, lave les péchés du monde entier… Notre Jourdain est un fleuve pur ; il sera donc impossible aux superbes de t’accuser, si tu te plonges entièrement en lui, si tu t’ensevelis, pour ainsi dire, dans l’humilité du Christ…

Bien sûr, notre baptême est unique, mais une telle humilité rebaptise. Elle ne réitère pas la mort du Christ en effet, mais elle accomplit la mortification et la sépulture du péché, et ce qui a été célébré sacramentellement au baptême trouve sous cette nouvelle forme son plein achèvement. Oui, une telle humilité ouvre les cieux, et rend l’esprit d’adoption ; le Père reconnaît son fils, reformé dans l’innocence et la pureté d’un enfant régénéré. C’est pourquoi l’Écriture mentionne à juste titre que la chair de Naaman a été rétablie comme celle d’un enfant nouveau-né… Nous qui avons perdu la grâce de notre premier baptême…voici que nous avons découvert le vrai Jourdain, c’est-à-dire la descente de l’humilité… À nous seulement de ne pas craindre de descendre plus profondément chaque jour… avec le Christ.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
4ème sermon pour l’Epiphanie (trad. SC 166, p. 299s)

 

 

 

« J’ai manifesté ton nom aux hommes. »

dimanche 28 mai 2017

St Jean17

Nous te rendons grâces, Père des lumières (Jc 1,17) de nous avoir « appelés des ténèbres à ton admirable lumière » (1P 2,9). Nous te rendons grâces d’avoir, par ta parole, fait jaillir la lumière des ténèbres, et de l’avoir fait briller dans nos cœurs pour nous éclairer de la connaissance de la face du Christ Jésus (2Co 4,6). Oui, la vraie lumière — bien plus, la vie éternelle — « c’est de te connaître, toi le seul Dieu, et ton envoyé Jésus Christ ».

Nous te connaissons, puisque nous connaissons Jésus, car le Père et le Fils sont un (Jn 10,30). Nous te connaissons par la foi, c’est vrai, et nous la tenons comme un gage assuré de la connaissance dans la vision. D’ici là, pourtant, augmente notre foi (Lc 17,5), conduis-nous de foi en foi, de clarté en clarté, comme sous la motion de ton Esprit, pour que nous pénétrions plus avant chaque jour dans les profondeurs de la lumière. Ainsi notre foi se développera, notre science s’enrichira, notre charité deviendra plus fervente et plus universelle, jusqu’à ce que la foi nous conduise au face à face.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
2ème sermon pour l’Épiphanie (trad. SC 166, p.259)

 

 

 

Dimanche des Rameaux et de la Passion

dimanche 9 avril 2017

foot2.jpg.html

C’est sous deux aspects bien différents que la fête d’aujourd’hui présente aux enfants des hommes celui que notre âme désire (Is 26,9), « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 44,3). Il attire notre regard sous les deux aspects ; sous l’un et l’autre nous le désirons et nous l’aimons, car en l’un et l’autre il est le Sauveur des hommes…

Si on considère en même temps la procession d’aujourd’hui et la Passion, on voit Jésus, d’un côté sublime et glorieux, de l’autre humilié et douloureux. Car dans la procession il reçoit des honneurs royaux, et dans la Passion on le voit châtié comme un malfaiteur. Ici, la gloire et l’honneur l’environnent ; là « il n’a ni apparence ni beauté » (Is 53,2). Ici, il est la joie des hommes et la fierté du peuple ; là, c’est « la honte des hommes et le mépris du peuple » (Ps 21,7). Ici, on l’acclame : « Hosanna au fils de David. Béni soit le roi d’Israël qui vient ! » Là, on hurle qu’il mérite la mort et on se moque de lui parce qu’il s’est fait roi d’Israël. Ici, on accourt vers lui avec des palmes ; là, ils le soufflettent au visage avec leurs paumes, et on frappe sa tête à coups de roseau. Ici, on le comble d’éloges ; là, il est rassasié d’injures. Ici, on se dispute pour joncher sa route avec le vêtement des autres ; là, on le dépouille de ses propres vêtements. Ici, on le reçoit dans Jérusalem comme le roi juste et le Sauveur ; là, il est chassé de Jérusalem comme un criminel et un imposteur. Ici, il est monté sur un âne, entouré d’hommages ; là, il est pendu au bois de la croix, déchiré par les fouets, transpercé de plaies et abandonné par les siens…

Seigneur Jésus, que ton visage apparaisse glorieux ou humilié, toujours on y voit luire la sagesse. De ton visage rayonne l’éclat de la lumière éternelle (Sg 7,26). Que brille toujours sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage (Ps 4,7) dans les tristesses comme dans les joies… Tu es la joie et le salut de tous, qu’ils te voient monté sur l’âne ou suspendu au bois de la croix.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157), abbé cistercien
3e Sermon pour le dimanche des Rameaux ; SC 202 (trad. cf SC, p. 188s et Delhougne, p. 195)