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Archive pour le mot-clef ‘St Grégoire le Grand’

Ne permets pas que je m’égare !

samedi 26 août 2023

« Lui qui transforme les lèvres des hommes véridiques et ravit aux vieillards leur science. » (Jb 12,20 Vg) Quand le prêtre ne fait pas le bien qu’il prêche, le don même de la parole lui est retiré, pour qu’il n’ait pas le front de dire ce qu’il ne met en pratique, selon la parole du prophète : « Dieu a dit au pécheur : Que viens-tu, toi, raconter mes règles de justice et pourquoi as-tu, toi, mon alliance à la bouche ? » (Ps 49,16) De là encore cette supplication : « Ne ravis jamais à ma bouche la parole de la vérité. » (Ps 118,43) Il le sent profondément en effet, Dieu tout-puissant accorde la parole de vérité à qui la vit et il l’ôte à qui ne la vit pas. Celui donc qui a demandé qu’elle ne soit pas ravie à sa bouche, qu’a-t-il demandé d’autre que la grâce des bonnes œuvres ? C’était dire ouvertement : ne permets pas que je m’égare loin des bonnes œuvres : perdue l’ordonnance d’une sainte vie, c’en serait fait de la rectitude de ma parole.

Très souvent aussi, qu’un docteur ait le front d’enseigner ce qu’il n’a cure de faire, il n’a bientôt plus de paroles pour dire le bien dont il a méprisé la pratique et le voilà enseignant à ceux dont il est le maître les erreurs de sa conduite : sur un juste jugement de Dieu tout-puissant, il n’a plus de langue au service du bien, lui qui refuse de bien vivre ; c’est pour les biens de la terre que son âme s’est embrasée d’amour, c’est des biens de la terre que qu’il va désormais toujours parler. Aussi la vérité dit-elle dans l’Évangile : « C’est du trop-plein du cœur que parle la bouche : c’est d’un bon trésor que l’homme bon apporte de bonnes choses et c’est d’un mauvais trésor que l’homme mauvais apporte de mauvaises choses. » (Mt 12,34-35)

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Vous siégerez vous aussi pour juger. » (Mt 19,28)

mardi 22 août 2023

« Mais cependant je parlerais au Tout-Puissant et je désire discuter avec Dieu. » (Jb 13,3) Nous parlons au Tout-Puissant quand nous nous associons à la justice du maître pour faire passer nos actes au crible d’un scrupuleux examen.

Peut-être aussi discute avec Dieu celui qui, après avoir en ce monde obéi à ses préceptes, vient ensuite en juge, juger les peuples avec Lui, ainsi qu’il est dit aux prédicateurs qui font abandon de tous leurs biens : « Vous qui m’avez suivi, dans la régénération, lorsque le fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes pour juger les tribus d’Israël. » (Mt 19,28) Le Seigneur dit encore par la bouche d’Isaïe : « Délivrez celui qui subit l’injustice, jugez en faveur de l’orphelin, plaidez pour la veuve et venez, discutons. » (Is 1,17) Il est juste en effet qu’il discute avec Dieu, dans son jugement sur les orphelins, l’homme qui, pour se consacrer à la parole de Dieu, renonce sans réserve au siècle présent.

Parler concerne donc la prière ; discuter, le jugement. Le saint, en conséquence, parle maintenant au Tout-Puissant pour discuter ensuite avec le Tout-Puissant, parce que celui qui viendra un jour pour juger avec Dieu est celui qui en ce monde n’aura été que son familier dans la prière.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

 

« D’où lui vient tout cela ? » (Mt 13,56)

vendredi 4 août 2023

« Ils tâtonneront comme s’ils étaient dans les ténèbres et non dans la lumière. » (Jb 12,25 Jb) Car s’agiter parmi tant de miracles évidents, c’est tâtonner comme dans les ténèbres : c’est toucher et ne pas voir. Mais tout homme qui va à l’aventure est tiré tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Or tantôt ils se montraient croyants : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (Jn 9,33) ; tantôt ils disaient que cet homme ne venait pas de Dieu, avec ces paroles de dédain : « N’est-il pas le fils d’un ouvrier, sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie ? et se s frères Jacob, Joseph et Judas et ses sœurs ne sont-elles pas de chez nous ? » (Mt 13,55)

Aussi est-il juste d’ajouter : « Et il les fera aller à l’aventure comme des hommes ivres. » (Jb 12,25 Vg) Ils voyaient, en effet, qu’il ressuscitait les morts et que cependant il était mortel. Lequel d’entre eux n’aurait pas cru Dieu celui qu’ils voyaient ressusciter un mort (cf. Lc 7,14) ? Mais aussi, il était mortel, ils le voyaient de leurs yeux, et leur dédain refusait de le croire immortel, Dieu. Donc en se manifestant à leurs regards en état de faire œuvre divine et de souffrir la condition humaine, Dieu tout-puissant les a fait aller à l’aventure, comme des hommes ivres, afin que leur orgueil, qui, devant le mystère de son incarnation a préféré le dédain à la fidélité, se dresse contre son humanité et en même temps s’étonne au-dedans devant la resplendissante lumière de sa divinité.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

Une semonce par zèle d’amour

mardi 18 juillet 2023

« Et plût au ciel que votre âme fût à la place de la mienne ! Je vous consolerais, moi aussi, par mes paroles et je hocherais ma tête au-dessus de vous. Ma bouche saurait vous fortifier et je remuerais mes lèvres comme si je vous épargnais. » (Jb 16,5-6 Vg) Quelquefois devant des esprits sans droiture que ne peut redresser la prédication des hommes, il est nécessaire de leur souhaiter, en toute bonté, les fléaux de Dieu. Car si l’on en vient là dans le zèle d’un grand amour, ce n’est pas certes pas un châtiment que l’on demande pour l’égaré, mais une semonce, c’est une prière qui s’exprime ainsi plutôt qu’une malédiction.

Il faut le remarquer, Job ne dit pas : « Plût au ciel que mon âme fût à la place de la vôtre ! » car il n’aurait fait que se maudire lui-même s’il avait souhaité de devenir semblable à eux. Ce qu’il a voulu, c’est l’élévation de ceux auxquels il avait souhaité un sort semblable au sien. Or nous consolons les esprits sans droiture au milieu des flagellations quand nous leur faisons voir que les coups du dehors affermissent en eux leur salut intérieur. Et nous hochons la tête quand nous infléchissons leur esprit, qui est la partie maîtresse de notre être, vers la compassion. Et nous les fortifions au milieu des flagellations quand nous clamons la violence de leur douleur par la douceur de nos paroles.

On trouve, en effet, des hommes qui, pour être fermés à la vie intérieure, se trouvent abattus par les coups du dehors jusqu’au désespoir, ce qui fait dire au Psalmiste : « Ils ne résisteront pas dans les malheurs » (Ps 139,11 Vg), car seul est à même de résister aux malheurs extérieurs, celui qui demande toujours sa joie à son espérance intérieure.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière. »

dimanche 25 juin 2023

« Il enlève aux profondeurs leur voile de ténèbres et il amène à la lumière l’ombre de la mort. » (Jb 12,22 Vg) Lorsque le croyant saisit le sens mystérieux des paroles obscures des Prophètes, que fait-il donc ? n’enlève-t-il pas aux profondeurs leur voile de ténèbres ? Voilà pourquoi, en s’adressant à ses disciples, la Vérité dit aussi : « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le dans la lumière. » (Mt 10,27)

Quand, en effet, nos commentaires défont les nœuds mystérieux des allégories, nous disons dans la lumière ce que nous avons entendu dans les ténèbres. Or l’ombre de la mort, elle, c’était la dureté de la Loi, qui prescrivait pour tout pécheur la punition de la mort physique. Mais lorsque notre Rédempteur a tempéré dans sa mansuétude l’âpreté de la prescription de la Loi, lorsqu’il a établi que ce n’était plus la mort du corps qui était la sanction de la faute, et révélé combien était à redouter la mort de l’âme, il a manifestement amené en pleine lumière l’ombre de la mort. Car une mort qui sépare la chair de l’âme n’est que l’ombre de celle qui sépare l’âme de Dieu. L’ombre de la mort est donc amenée à la lumière lorsque, comprenant ce qu’est la mort de l’esprit, on cesse de craindre la mort de la chair. (…)

Le Seigneur, en effet, enlève aux profondeurs leur voile de ténèbres lorsqu’Il met en pleine lumière le jugement qui procède de ses secrets conseils, afin de manifester son sentiment sur chacun de nous.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

 

Le piège de l’orgueil

samedi 3 juin 2023

« Je vais t’éclairer, écoute-moi : je vais te raconter ce que j’ai vu. » (Jb 15,17 Vg) Le propre de l’arrogant, c’est de ne jamais avoir, si faible soit-il, le sentiment de la droiture sans l’infléchir au service de l’orgueil ; c’est de ne s’élever par sa propre intelligence au-dessus de lui-même que pour tomber, bouffi de vanité, dans le piège de l’orgueil ; c’est de se croire plus savant que les savants ; c’est de revendiquer le respect de qui vaut mieux que soi ; c’est, devant plus saint que soi, de prétendre enseigner avec un air d’autorité. De là cette parole : « Je vais t’éclairer, écoute-moi. » (…)

Après cette parole : « L’impie est orgueilleux en chacune de ses journées » (Jb 15,20 Vg), Job ajoute : « Et le nombre des jours de sa tyrannie est incertain. » Autrement dit : Pourquoi s’enorgueillir de je ne sais quelle certitude, quand la peine de l’incertitude est le lot de la condition humaine ? Mais aux hommes d’une vie dépravée, Dieu tout-puissant ne réserve pas seulement les supplices de la vie futur ; ici-bas déjà, à l’heure de leurs défaillances, il enserre leur cœur dans les châtiments : en péchant, ils se frappent eux-mêmes, toujours tremblants, toujours défiants, dans la crainte de souffrir des autres ce qu’ils se souviennent d’avoir fait aux autres.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« N’oubliez pas l’hospitalité. »

dimanche 23 avril 2023

Deux disciples faisaient route ensemble. Ils ne croyaient pas, et cependant ils parlaient du Seigneur. Soudain celui-ci est apparu, mais sous des traits qu’ils n’ont pas pu reconnaître. (…) Ils l’invitent à partager leur gîte, comme on le fait avec un voyageur. (…) Ils apprêtent donc la table, ils présentent la nourriture, et Dieu, qu’ils n’avaient pas reconnu dans l’explication de l’Écriture, ils le découvrent dans la fraction du pain. Ce n’est donc pas en écoutant les préceptes de Dieu qu’ils ont été illuminés, mais en les accomplissant : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la Loi qui seront justes devant Dieu, mais ceux qui mettent la Loi en pratique qui seront justifiés » (Rm 2,13). Si quelqu’un veut comprendre ce qu’il a entendu, qu’il se hâte de mettre en pratique ce qu’il en a déjà pu saisir. Le Seigneur n’a pas été reconnu pendant qu’il parlait ; il a daigné se manifester lorsqu’on lui a offert à manger.

Aimons donc l’hospitalité, frères très chers ; aimons pratiquer la charité. Paul affirme à ce sujet : « Persévérez dans la charité fraternelle. N’oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, ont reçu chez eux des anges » (He 13,1 ;Gn 18,1s). Pierre dit aussi : « Pratiquez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmurer » (1P 4,9). Et la Vérité elle-même nous déclare : « J’étais un étranger, et vous m’avez recueilli » (…) « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, nous dira le Seigneur au jour du jugement, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,35.40). (…) Et malgré cela, nous sommes si paresseux devant la grâce de l’hospitalité ! Mesurons, mes frères, la grandeur de cette vertu. Recevons le Christ à notre table, afin de pouvoir être reçus à son festin éternel. Donnons maintenant l’hospitalité au Christ présent dans l’étranger, afin qu’au jugement nous ne soyons pas comme des étrangers qu’il ne connaît pas (Lc 13,25), mais nous reçoive comme des frères dans son Royaume.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

« Vite, apportez sa première robe ! »

samedi 11 mars 2023

« L’homme, une fois mort, dépouillé et consumé, je le demande, où est-il ? » (Jb 14,10 Vg) Il n’y a pas un homme sans péché ? Un seul, celui qui est venu en ce monde sans naître du péché. Et comme nous sommes tous enchaînés dans le péché, nous mourons tous de la perte même de la justice : du vêtement d’innocence qui nous avait été accordé un jour au paradis nous sommes dépouillés, et par la mort de la chair qui en est la conséquence nous sommes aussi consumés. (…)

C’est cette nudité de son fils pécheur qu’un père a voulu couvrir, en disant le jour de son retour : « Vite, apportez sa première robe. » (cf. Lc 15,22) Oui, la première robe, c’est le vêtement d’innocence que l’homme pour son bonheur a reçue le jour de sa création et que, pour son malheur, séduit par le serpent, il a perdue. Contre cette nudité l’Écriture dit aussi : « Heureux celui qui veille et qui garde ses vêtements pour ne pas aller nu. » (Ap 16,15) Nous gardons nos vêtements quand nous conservons en notre esprit les préceptes de l’innocence : qu’une faute nous fasse aller nu devant le juge, nous revenons à l’innocence perdue, et la pénitence nous rend nos vêtements.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

Passer à la vie éternelle !

jeudi 9 mars 2023

« Tu l’as fortifié pour un peu de temps, pour le faire passer à une vie éternelle. » (Jb 14,20 Vg) Fortifié pour un peu de temps, l’homme l’a été puisque pour un temps mesuré il a reçu la force de vivre en ce monde de manière à passer dans une vie éternelle où aucune borne ne mettra un terme à sa vie. Mais dans cette brève durée où il a été fortifié, il se met en état de trouver dans l’éternité ou une joie sans fin ou des supplices qu’il subira sans y échapper jamais.

Et c’est bien parce qu’il a été fortifié pour un peu de temps que Job ajoute aussitôt ces justes paroles : « Tu changeras son visage et tu le congédieras. » Le visage de l’homme est changé quand sa beauté est détruite par la mort. Congédié, il l’est aussi, parce que des biens qu’il a acquis volontairement il est contraint de passer malgré lui au monde de l’éternité ; et quand il y est arrivé, ces biens dont de si longs tracas l’ont rendu maître, que vont-ils devenir quand il les a laissés ? Il l’ignore.

De là ces paroles encore : « Ses enfants seront-ils honorés ? seront-ils méprisés ? il ne le discerne pas. » (Jb 14,21 Vg) Si, en effet, ceux qui sont encore vivants ignorent en quel lieu se trouvent les âmes des morts, de même les morts ne savent pas comment est ordonnée la vie dans la chair de ceux qui leur survivent : la vie de l’esprit est aussi fort éloignée de la vie de la chair. Et si corporel et incorporel sont opposés dans leur nature, ils sont également distincts dans leur connaissance. Cette distinction ne vaut pourtant pas pour les âmes saintes, car, si elles voient en elles-mêmes la rayonnante splendeur de Dieu tout-puissant, on ne saurait croire qu’il puisse y avoir hors d’elles une existence qu’elles ignorent.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

Le jeudi après les Cendres

jeudi 23 février 2023

« L’arbre garde l’espérance ; on le coupe, il verdira à nouveau et ses rameaux pulluleront. » (Jb 14,7-10 Vg). (…) Dans l’Écriture sainte, le bois symbolise tantôt la croix, tantôt l’homme, juste ou même injuste, et tantôt la sagesse incarnée de Dieu.

C’est, en effet, la croix que désigne le bois quand il est dit : « Mettons du bois dans son pain. » (Jr 11,19 Vg) Car mettre du bois dans son pain, c’est attacher le bois de la croix au corps du Seigneur. Le mort arbre évoque aussi l’homme, juste ou injuste, quand le Seigneur dit par la bouche du Prophète : « C’est moi, le Seigneur, qui ai humilié l’arbre élevé et relevé l’arbre humilié », car ces paroles sont conformes à celle de la Vérité : « Quiconque s’élève sera humilié et quiconque s’humilie sera élevé. » (Lc 14,11) (…) Et l’arbre figure encore la sagesse de Dieu incarnée, dont l’Écriture dit : « Elle est un arbre de vie pour ceux qui l’ont saisie » (Pr 3,18) et elle le dit elle-même : « Si l’on traite ainsi le bois vert, qu’adviendra-t-il du bois sec ? » (Lc 23,31) (…)

« L’arbre garde l’espérance ; si on le coupe, il verdira à nouveau » (Jb 14,7 Vg). Lorsque dans sa passion le juste est frappé de mort pour la vérité, il recouvre la vie dans la verte fraîcheur de la vie éternelle. Et celui qui en ce monde trouvait sa force dans la foi, trouve sa force là-haut dans la vision béatifique. « Et ses rameaux pulluleront », parce que très souvent devant la passion du juste les fidèles se multiplient dans un élan d’amour pour la patrie céleste et ils connaissent la verte fraîcheur de la vie spirituelle dans leur joie de l’avoir vu œuvrer en ce monde avec une telle force d’âme pour la gloire de Dieu.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)