Ne t’ai-je point enseigné que l’aumône se fait avec le cœur, les paroles et les œuvres ? Tu n’auras en ceci jamais d’excuse : quand tu vois la nécessité du pauvre, tu es tenu d’y compatir avec ton cœur.
Lorsque tu vas à l’hôpital et ne peux guérir la peine de l’infirme, accorde-lui du moins l’aumône du cœur : prends-le en pitié. Et tu peux lui en donner une autre, qui lui sera peut-être plus chère : celle de la parole. Par le bienfait de deux paroles, tu allégeras sa peine. Tu ne seras jamais excusé de cette omission. En quelque état ou condition que tu vois l’infortuné, tu peux le consoler. Elle plaît tant au pauvre, l’aumône de la parole que tout aussitôt il se réconforte et s’apaise. Écoute la sainte Écriture : « La rosée ne rafraîchit-t-elle pas le vent brûlant ? » (Si 18,16). Vous souvenez-vous de la sensation que vous éprouvez au temps de la grande chaleur, quand vous trouvez une abondante rosée le matin ? De même parfois, lorsque, ne pouvant assister un miséreux par les biens de ce monde, tu le soutiens de tes paroles ; il semble tout rafraîchi et consolé, bien que tu ne l’aies point soulagé de sa nécessité matérielle. – Mais s’il est sourd, comment lui adresserai-je cette aumône ? – Tu n’es point pour cela excusé : tu peux du moins recoudre ses habits, l’aider à se vêtir, à se chauffer, et t’ingénier selon tes moyens.
Qui sera dispensé de compatir au besogneux ? Personne. Vois dans l’Exode (cf. Ex 23,5) : il t’est commandé si tu vois un âne tomber, fût-ce celui de ton ennemi, d’aider à le relever. Si tu es tenu d’aider l’âne de ton ennemi, que sera-ce du prisonnier ? Tu n’as nulle excuse devant Dieu de ne pas l’assister ! Donne ton aumône dans la joie.
Saint Bernardin de Sienne (1380-1444)