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« Ils avaient bien compris que Jésus avait dit la parabole à leur intention. » (Mc 12, 12)

La sainte Église sait garder la vigueur de sa discipline en la tempérant de mansuétude, tantôt n’épargnant pas les méchants en paraissant les épargner, tantôt au contraire les épargnant en paraissant ne pas les épargner. Mais nous le montrerons mieux en exposant ce qui arrive d’ordinaire. Proposons donc aux regards de notre âme deux esprits déviés vivant au sein de l’Église, d’un côté un puissant, un effronté, de l’autre un homme doux, un subalterne. Qu’en cet homme doux, en ce subalterne, un péché sourdement chemine, le prédicateur est là, il semonce, il attaque, il blâme ce péché et, en blâmant le pécheur, il le libère du péché, il le rétablit dans le chemin de la droiture. (…)

Au contraire, apprend-on que ce puissant, cet effronté a commis un forfait, on cherche l’heure de la semonce pour le mal qu’il a commis. Car si le prédicateur ne sait pas attendre l’heure opportune du blâme, il accroît en l’autre le mal qu’il attaque. Il arrive souvent, en effet, qu’un tel homme ne sache pas entendre la moindre parole de semonce. Devant sa faute, le devoir du prédicateur n’est-il donc pas de présenter à ses auditeurs, parmi ses admonestations pour le salut de tous, des fautes semblables aux méfaits de l’homme qui est à sa portée et qui ne peut pas encore accueillir une critique strictement personnelle, si l’on ne veut pas le rendre pire ? Mais que l’invective lancée contre la faute reste générale, la parole de blâme s’avance sans heurt jusqu’en son âme, parce que ce puissant, cet esprit dévié, ne voit pas qu’elle s’adresse particulièrement à lui. Que lui a donc fait son prédicateur ? En l’épargnant il ne l’a pas épargné, il n’a pas lancé des paroles de blâme contre sa personne et pourtant par-delà son admonestation générale, il a touché la plaie.

Saint Grégoire le Grand (v. 540-604)

 

 

 

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