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Le renoncement à soi-même

L’amour que nous avons pour nous-mêmes (…) est affectif et effectif. L’amour effectif est celui qui gouverne les grands, ambitieux d’honneurs et de richesses, qui se procurent tant de biens et qui ne se rassasient jamais d’en acquérir : ceux-là, dis-je, s’aiment grandement de cet amour effectif. Mais il y en a d’autres qui s’aiment davantage de l’amour affectif : ceux-ci sont grandement tendres avec eux-mêmes, et ne font jamais autre chose que de se dorloter, soigner et réconforter : ils craignent tant tout ce qui pourrait leur nuire que c’est grande pitié. (…)

Cette tendreté est plus insupportable encore aux choses de l’esprit qu’aux choses corporelles ; surtout si elle est par malheur pratiquée ou entretenue par les personnes les plus spirituelles, lesquelles voudraient être saintes du premier coup, sans qu’il leur en coutât rien, pas même les combats que leur cause la partie inférieure de l’âme par ses répugnances envers les choses contraires à la nature. (…)

Répugner à nos répugnances, faire taire nos préférences, mortifier nos affections, mortifier le jugement et renoncer à la volonté propre est une chose que l’amour effectif et tendre que nous nous portons à nous-mêmes ne peut se permettre sans crier : oh, que cela nous coûte ! Et ainsi nous ne faisons rien. (…)

Il vaut mieux porter une petite croix de paille que l’on m’a mise sur les épaules sans mon choix, qu’aller en couper une bien plus grande dans du bois avec beaucoup de travail, et la porter ensuite avec une grande peine. Et je serai plus agréable à Dieu avec la croix de paille qu’avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, et que je porterais avec plus de satisfaction, à cause de l’amour propre qui se plaît tant à ses inventions, et si peu à se laisser simplement conduire et gouverner.

Saint François de Sales (1567-1622)

 

 

 

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