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Archive pour le mot-clef ‘Guigues le Chartreux’

« Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi. »

dimanche 2 juin 2019

Il faut suivre le Christ, il faut adhérer à lui ; on ne doit pas l’abandonner jusqu’à la mort. Comme Élisée disait à son maître : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant et que tu vis toi-même, je ne te quitterai pas » (2R 2,2), (…). Suivons donc le Christ et attachons-nous à lui ! « Il m’est bon d’adhérer à Dieu », dit le psalmiste (72,28). « Mon âme s’attache à toi, Seigneur ; ta droite me soutient. » (Ps 62,9) Et saint Paul ajoute : « Celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui » (1Co 6,17). Non seulement un seul corps, mais un seul esprit. De l’esprit du Christ, tout son corps vit. Par le corps du Christ, on parvient à l’esprit du Christ. Demeure donc par la foi dans le corps du Christ et tu seras un jour un seul esprit avec lui. Déjà par la foi tu es uni à son corps. Par la vision, tu seras aussi uni à son esprit. Non que là-haut nous verrons sans corps, mais nos corps seront spirituels (1Co 15,44).

« Père, dit le Christ, je veux que ceux-ci soient un en nous, comme toi, Père, et moi, nous sommes un, pour que le monde croie. » ; voici l’union par la foi. Et plus loin il demande : « Que leur unité soit parfaite, pour que le monde sache » ; voici l’union par la vision.

Telle est la manière de se nourrir spirituellement du Corps du Christ : avoir en lui une foi pure, chercher toujours par la méditation assidue le contenu de cette foi, trouver ce que nous cherchons ainsi par l’intelligence, aimer ardemment l’objet de notre découverte, imiter dans la mesure du possible celui que nous aimons ; et en l’imitant, adhérer à lui constamment pour parvenir à l’union éternelle.

Guigues le Chartreux (?-1188)

 

 

 

« Donne-nous de ce pain-là, toujours. »

dimanche 5 août 2018

Le pain de l’âme, c’est le Christ, « le pain vivant qui est descendu du ciel » (Jn 6,51) et qui nourrit les siens, maintenant par la foi, dans le monde futur par la vision. Car le Christ habite en toi par la foi, et la foi dans le Christ, c’est le Christ dans ton cœur (Ep 3,17). Dans la mesure où tu crois dans le Christ, dans cette mesure tu le possèdes. Et le Christ est en vérité un seul pain, « car il y a un seul Seigneur, une seule foi » (Ep 4,5) pour tous les croyants, bien que les uns reçoivent plus, les autres moins du don de la même foi… Comme la vérité est une, une seule foi dans la vérité unique conduit et nourrit tous les croyants, et « un seul et même Esprit distribue à chacun ses dons, selon sa volonté » (1Co, 12,11). Nous vivons donc tous du même pain et chacun d’entre nous reçoit sa portion ; et cependant le Christ est tout entier pour tous, sauf pour ceux qui déchirent l’unité… Dans ce don que j’ai reçu, je possède tout le Christ et le Christ me possède tout entier, comme le membre qui appartient à tout le corps possède en retour le corps tout entier. Cette portion de foi que tu as reçue en partage est donc comme le petit morceau de pain qui est dans ta bouche. Mais si tu ne médites pas fréquemment et pieusement ce que tu crois, si tu ne le mâches pas, pour ainsi dire, en le triturant et le retournant avec les dents, c’est-à-dire avec les sens de ton esprit, il ne franchira pas la gorge, c’est-à-dire qu’il ne parviendra pas jusqu’à ton intelligence. En effet, comment pourrais-tu comprendre ce que tu médites rarement et avec négligence, surtout s’il s’agit d’une chose ténue et invisible ? … Que par la méditation, donc, « la Loi du Seigneur soit toujours dans ta bouche » (Ex 13,9) pour que naisse en toi la bonne intelligence. Par la bonne compréhension, la nourriture spirituelle passe dans ton cœur, pour que tu ne négliges pas ce que tu as compris mais le recueille avec amour.

Guigues le Chartreux (?-1188), prieur de la Grande Chartreuse

Méditation 10 (trad. SC 163, p. 181 rev.)

« Aussitôt elle vint se jeter à ses pieds. »

jeudi 9 février 2017

Jesus

« Seigneur, que personne ne peut voir sinon les cœurs purs (Mt 5,8), je recherche, par la lecture et la méditation, ce qu’est la vraie pureté de cœur et comment on peut l’obtenir pour devenir capable, grâce à elle, de te connaître, si peu que ce soit. J’ai cherché ton visage, Seigneur, j’ai cherché ton visage (Ps 26,8). J’ai longtemps médité en mon cœur, et un feu s’est allumé dans ma méditation : le désir de te connaître davantage. Quand tu romps pour moi le pain de la sainte Écriture, tu m’es connu dans cette fraction du pain (Lc 24,30-35). Et plus je te connais, plus je désire te connaître, non seulement dans l’écorce de la lettre mais dans la saveur de l’expérience.

« Je ne demande pas cela, Seigneur, en raison de mes mérites, mais à cause de ta miséricorde. J’avoue, en effet, que je suis pécheur et indigne, mais ‘les petits chiens eux-mêmes mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres’. Donne-moi donc, Seigneur, les gages de l’héritage futur, une goutte au moins de la pluie céleste pour rafraîchir ma soif, car je brûle d’amour »…

C’est par de tels discours que l’âme appelle son Époux. Et le Seigneur, qui regarde les justes et qui non seulement écoute leur prière mais est présent dans cette prière, n’attend pas la fin de celle-ci. Il l’interrompt au milieu de son cours ; il se présente tout-à-coup, il se hâte de venir à la rencontre de l’âme qui le désire, ruisselant de la douce rosée du ciel comme du parfum le plus précieux. Il recrée l’âme fatiguée, il nourrit celle qui a faim, il fortifie sa fragilité, il la vivifie en la mortifiant par un admirable oubli d’elle-même, il la rend sobre en l’enivrant.

Guigues le Chartreux (?-1188), prieur de la Grande Chartreuse
Lettre sur la vie contemplative, 6-7 (trad. Orval ; cf SC 163, p. 95)